Squat ta ville !

Ce tract relate les propos de Gildas lors d’une interview informelle concernant son expérience de vie en squat politique.

Tout d’abord, qu’entends-tu par le mot « squat » ?

Le squat c’est occuper une habitation, un lieu, qui légalement est la propriété de quelqu’un d’autre. Ensuite ce qu’on y met derrière peut prendre plein de formes différentes. Nous, on a ouvert des squats à portée politique, mais ça pourrait être pour des raisons purement financières ou pour ouvrir un lieu d’expression artistique. Le squat, c’est s’approprier des lieux clairement inutilisés et souvent totalement vides pour y habiter.

 Qu’est-ce qui t’a amené à tenter la vie en squat ?

Au départ, c’était juste quelque chose de purement pratique. J’avais envie de vivre en dépensant peu d’argent. Quand j’ai découvert qu’on pouvait ne pas payer un loyer tous les mois, j’ai rejoint des potes qui démarraient une histoire dans ma ville.

 Quelle sont les portées politique de ce mode d’action ?

Au début c’était surtout un moyen de se décharger financièrement, mais c’est vite devenu un espace de revendications puisque j’ai rencontré des gens qui m’ont permis de me rendre compte de certaines réalités sociales et politiques d’aménagement et de gentrification urbaine [NDLR : la gentrification est un phénomène d’enrichissement d’un quartier qui modifie son profil social et économique, excluant les classes sociales inférieures]. J’ai rencontré des gens qui m’ont permis de voir ces critiques et ainsi de mener une existence plus politique et d’avoir envie, du fait d’être en ville et de squatter, de répandre des idées. Le squat m’a permis de m’organiser pour lutter.

 Habiter en squat permet d’avoir un lieu où l’on peut plus expérimenter, parce que y’a pas de proprio, parce que y’a pas de loyer… Tu peux plus facilement réapprendre à aménager ta vie par toi-même et non plus le laisser à des spécialistes par manque de temps. Typiquement par le bricolage, les ateliers de réparation de vélos, la plomberie, l’électricité, les cuisines collectives à prix libre…

 Concernant les espaces privés, possédés par un particulier ou la mairie, ce qui nous intéresse c’est de rendre visible leur inutilité effective. C’est pourquoi on décide d’y habiter et d’en faire des lieux de vie pour porter une critique de l’aménagement antidémocratique de la ville par le pouvoir en place, de l’individualisation de nos vies, de la spéculation immobilière… Cette critique ne se fait pas par les urnes mais par nos existences même. C’est aussi ça ce que je revendique.

 Dans les politiques urbaines actuelles, la mairie rachète des maisons dans certains quartiers pour les détruire, alors qu’elles sont encore habitables, pour en faire des nouveaux quartiers complètement aseptisés et sous contrôle. D’ailleurs ils sont souvent éco-quelque chose mais évidemment hors de prix pour beaucoup de personnes. C’est pour un autre modèle que je lutte.

A propos de l’organisation collective, quelle différence avec une colocation ?

Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas le côté loyer. Après, on pourrait exactement reproduire les schémas d’organisation des colocations classiques, mais de part le fait que l’on se soit construit une culture politique anarchisante, on s’organise un maximum pour construire des relations non-marchandes. On fait de la récup’ de bouffe dans des poubelles, on met en commun notre argent, on discute de notre fonctionnement collectif par assemblée générale… Le fait de gérer notre emploi du temps nous permet d’être plus ou moins rythmé-e-s par une vie militante commune. On ne partage pas seulement un toit, nos vies sont plus étroitement imbriquées, notamment du point du vue affectif.

 Après, dans les différents squats que l’on a ouverts, tout le monde ne pouvait pas forcément « squatter » à l’improviste. On était les habitants de ces lieux qui devenaient notre propriété d’usage parce qu’ils étaient vides et qu’on se sentait légitimes de les habiter.

Squatteur un jour, squatteur toujours ?

Ben, pas vraiment puisque aujourd’hui je vis en coloc’. Après, ça renvoie à la question d’avant. Le squat c’est pas uniquement un lieu de vie, et le mode de vie que j’y ai appris, squat ou pas, m’influence toujours beaucoup. Et puis le squat ne concerne pas que des endroits habitables. Par exemple aujourd’hui je m’oriente plus vers l’agriculture, et il est possible que je sois amené à squatter des terres inutilisées.

 

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-Doc: tract 39 squat ta ville

 

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Sang-gêne

Les menstruations, longtemps incomprises, ont été associées à des pouvoirs maléfiques ou considérées comme sacrées, maladives ou impures, selon les croyances. Les préceptes des différentes religions ont grandement participé à cette image négative du sang menstruel. La Bible déclare d’ailleurs : « le flux menstruel est une malédiction qui se transmet de fille en fille ». Les règles seraient la punition des femmes pour avoir péché. Pas évident à accepter, le fardeau, avec de tels jugements…

Aujourd’hui, même si ces superstitions peuvent persister (dans la religion Hindoue, une femme « indisposée » n’est pas censée rentrer dans les temples), les menstruations relèvent davantage d’un passage obligé, douloureux, sale et surtout tabou. On est donc passé d’un phénomène impur et maléfique à quelque chose de dégueulasse et honteux, quelle avancée… De plus, l’aseptisation progressive des menstruations ne fait qu’amplifier ce dégoût du sang menstruel. A titre d’exemple la superbe invention du tampon avec applicateur : même plus besoin de toucher à ce sang impur (et tant pis si ça signifie toujours plus de plastique jeté).

L’origine des menstruations est maintenant comprise, mais leur manifestation est de plus en plus dissimulée. Les évolutions sont telles que les menstruations ne sont plus un frein à aucune activité ; des pilules contraceptives et stérilets les font même disparaître. Est-il si méprisable d’être femme pour que nous en refusions les manifestations ? Bien entendu, il est confortable d’avoir le choix. Mais la culture du jetable considère le flux menstruel uniquement comme un objet de profit, et c’est tout une compréhension de son propre corps que la femme perd.

La commercialisation des serviettes et tampons hygiéniques jetables date d’un peu plus d’un siècle. A leur début, les protections périodiques se présentaient sous la simple forme de bandelettes de tissu en fibres de coton. Ensuite, les industriels se sont emparés du marché de l’hygiène intime féminine : la course à la matière la plus absorbante a rendu les produits de plus en plus sophistiqués.

Composition des produits menstruels… Secret défense !

Aucun fabricant n’imprime sur les boîtes la composition de son produit. Alors quoi, la femme n’a pas le droit de savoir ce qu’elle s’introduit dans le vagin ? Composés de produits synthétiques, les serviettes et tampons contiennent tout un tas de produits chimiques : gel « super-absorbant », additifs de parfum, traces de dioxine (issu du blanchiment)… Le corps ne sachant pas s’en débarrasser accumule ces toxines nocives pour la santé.

Produits coûteux

Au cours de sa vie, une femme utilise en moyenne 10 000 à 15 000 produits menstruels, correspondant à une consommation mondiale annuelle de 45 milliards de produits hygiéniques. Un sacré marché de 2 milliards de dollars américains entre les mains de trois principales multinationales (Procter & Gamble, Johnson & Johnson et Kimberly-Clark). Outre leur coût, évidemment non-remboursé, il faut 500 ans à tous les produits hygiéniques (plastique, colle, produits chimiques…) pour se dégrader. Produits que l’on retrouvera dans les sites d’enfouissements et les incinérateurs.

Les alternatives écologiques

Des alternatives aux tampons et serviettes hygiéniques existent. Elles sont beaucoup plus écologiques, moins chères et nous rendent plus indépendantes des industriels :

– Coupe menstruelle : coupe souple en forme de cloche fabriquée en caoutchouc ou silicone que l’on porte dans le vagin et qui recueille le sang. D’une contenance supérieure à celle du tampon, elle doit être vidée et rincée à l’eau claire (prévoir sa bouteille d’eau !) pendant les menstruations et stérilisée à l’eau bouillante entre chaque cycle. Elle est utilisable pour une dizaine d’années.

coupe menstruelle– Serviette lavable : utilisée exactement comme les serviettes jetables, elle est fabriquée en coton biologique ou en flanelle (il est possible de la confectionner soi-même). Lavable à la main ou à la machine, elle a une durée de vie de 5 à 10 ans.

– éponge de mer naturelle : taillable sur mesure et biodégradable, elle se porte comme un tampon. A rincer lorsqu’elle est pleine, sa durée de vie est d’environ 6 à 8 cycles.

 

Tract téléchargeable, Version pdf: tract 38 Menstruation

Version modifiable: tract 38 menstruation VF

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Les Jardins d’Utopie, un potager qui gène

Au milieu du campus de l’université de Grenoble vit un petit jardin-potager : les Jardins d’Utopie. Une cabane pour ranger les outils, une serre et quelques carrés de légumes. On y fait pousser des salades, des pommes de terre, des tournesols… Des centaines de personnes passent devant chaque jour et chacun peut venir jardiner ou récolter des légumes librement.

Historiquement, les Jardins d’Utopie sont nés pendant les mouvements anti-CPE[1] de 2006. La démarche était de rendre idées et pratiques plus cohérentes. Nous vivons en effet une époque où l’essentiel de notre nourriture est fabriqué avec le recours massif à des produits chimiques et pétroliers, loin des lieux de consommation, dans des conditions sociales déplorables. Non seulement le bilan écologique est désastreux, mais nous perdons tout un patrimoine de la culture vivrière, avec ses savoir-faire et ses innombrables variétés végétales.

A titre personnel, nous avons tous une certaine marge de manœuvre pour orienter nos choix et limiter notre impact. En revanche, nos possibilités d’action sont rapidement limitées. L’organisation collective permet d’aller plus loin, de construire des alternatives pratiques, qui fonctionnent, et de mener des luttes symboliques.

 Potager gênant

 L’idée de Jardins d’Utopie est simple : utiliser l’espace public pour créer un potager collectif où chacun puisse venir apprendre à jardiner, regarder pousser des plantes, réfléchir, manger, ramasser des légumes, jouer de la musique… Le fonctionnement est entièrement basé sur la gratuité, la confiance mutuelle et l’absence de hiérarchie. Douce utopie ? Voilà déjà 8 ans que la continuité est assurée et que des kilos de légumes sont produits, sans pesticides et en dehors de tout rapport marchand.

Les positions politiques et le fonctionnement incontrôlable – sans subvention et sans chef – des Jardins d’Utopie déplaisent à l’administration du campus. Selon les termes du directeur de l’aménagement et du développement durable, le jardin-potager fait tâche et ce n’est pas aux étudiants de maîtriser l’image du campus.

L’université de Grenoble, lancée dans une compétition internationale sans fin, cherche à être la plus attractive possible, à grimper toujours plus haut dans les classements face aux autre établissements. Les doux rêveurs aux tendances antiautoritaires sont un contre-pouvoir, un pôle de mémoire des luttes passées, un germe des résistances futures, un grain de sable qu’il faut balayer…

 Pelle mécanique

 Pour retirer un jardin gênant, parce que trop visible, l’administration a décidé de détruire une des parcelles en 2011. Cependant, les jardins d’Utopie bénéficient d’une forte légitimité et de nombreux soutiens, les jardiniers sont donc revenus de plus belle, ont occupés les lieux avec des tentes et ont replantés des légumes.

L’administration a besoin d’un prétexte pour justifier la suppression des jardins. Elle a donc décidé la construction d’une « Esplanade conviviale à dominante verte » exactement à l’emplacement des Jardins d’Utopie. Les mots choisis sont une véritable caricature de greenwashing, les modalités de la convivialité sont imposées d’en haut, avec une couche de vernis écologique. Pour se débarrasser d’un jardin-potager chargé d’histoire, impossible à dompter, on le remplace par une couche de béton, impossible à cultiver.

 Procédure judiciaire

Pour mener à bien les travaux, l’administration a lancé une procédure d’expulsion en septembre 2013. Un huissier de justice est venu dresser un procès-verbal pour occupation abusive et dégradation de l’espace public. Ici aussi le choix des mots illustre l’état d’esprit et les priorités de l’administration :

 

« des personnes, sans la moindre autorisation, ont investi les espaces verts du domaine public […] sur lesquels ils cultivent deux jardins potagers, constitutifs d’une dégradation du domaine public en ce qu’ils en modifient l’aspect paysager et font obstacle aux travaux d’entretien »

« L’ensemble a provoqué la disparition de la pelouse en gazon et bouleversé la configuration d’origine plane du terrain »

Deux jardiniers, pour avoir planté des patates, risquent de fortes amendes. Un appel à soutien a été effectué par les jardins d’Utopie en réaction à la bataille juridique entamée. Plus d’informations, sur les lettres de soutien, le compte-rendu du procès en référé, le procès-verbal d’accusation, sont disponibles sur http://jardins-utopie.over-blog.com

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Version .doc: Tract 37 jardin d’Utopie VF




[1] Le Contrat Première Embauche était un contrat de travail, destiné aux moins de 26 ans. Il permettait notamment à l’employeur de licencier sans motif le salarié pendant une période de deux ans. De vastes mouvements s’y sont opposés.

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TAFTA : Tous les pouvoirs aux multinationales ?

« Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. »

François Hollande, le 11 février dernier, lors de sa visite d’Etat à Washington.

marques TAFTATAFTA ou TTIP en anglais, PTCI ou encore l’accord de partenariat transatlantique (APT) en français, est un  projet d’accord commercial passé entre les Etats Unis et l’Union Européenne engagé depuis juillet 2013 envisagé pour 2015. Négocié de façon opaque, celui-ci, ardemment soutenu par les multinationales, leur permettrait d’attaquer en justice tout État qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme. Cet accord concerne tout de même près d’un tiers des échanges commerciaux entre l’Europe et les Etats Unis, et 50% du PIB Mondial, et touchera potentiellement tous les secteurs : Sécurité des aliments, assurance-maladie, liberté du Net, protection de la vie privée, énergie, culture, droits d’auteur, ressources naturelles, équipements publics, immigration…

Argument marketing

Cet accord est vendu par ceux qui la conçoivent comme permettant de créer de la croissance et de l’emploi. On retrouve toujours ce mythe de la croissance perpétuelle avec des études économiques déconnectées du réel. Si on étudie le passé, la mise en place d’un accord similaire entre les États-Unis, le Canada et le Mexique (ALENA) s’est accompagnée de la destruction de près d’un million d’emplois sur le sol américain, malgré la promesse de créer 20 millions d’emplois et de multiplier par trois des échanges commerciaux. Au Mexique, 5 millions d’emplois agricoles ont été détruits depuis 1994.

Revenons plutôt sur le fond même de l’accord.

Composition de l’accord

3 grands axes :

ð  La réduction de droits de douane économique

ð  La mise en place d’une procédure de règlement des différends

ð  L’harmonisation des normes réglementaires. L’idée n’est pas tant d’abattre les barrières existantes  que d’organiser une concertation pour la fixation des normes à venir.

Au sujet des droits de douane :

                Malgré des droits de douanes généralement peu élevés (en moyenne de 2%) certains secteurs, tels que l’agriculture, sont encore protégés par des taux bien plus élevés. Par exemple concernant le modèle agro-exportateur défendu par les transnationales, une baisse des droits de douane obligerait un alignement qui serait purement économique, ce qui exigerait de généraliser ce modèle car le plus concurrentiel. Cela aurait pour conséquence d’affaiblir les standards environnementaux, alimentaires et sociaux. Les élevages de bœufs aux Etats Unis par exemple sont en moyenne 13 fois plus important qu’en Europe. Ils veulent exporter le modèle de ferme-usine, avec un mode d’élevage calqué sur la rentabilisation bien au-delà encore de ce qui est pratiqué en Europe (hormone de croissance, OGM, antibiotiques, carcasses chlorées…)

Pouvoir judiciaire aux multinationales

            Le système d’arbitrage privé investisseur-État est un cadre juridique créé en 1994  qui permet aux entreprises multinationales d’attaquer, via des traités sur le commerce et l’investissement, un pays qui aurait pris ou qui souhaiterait prendre des mesures sociales ou environnementales qui ne serait pas conforme aux « prévisions » de l’investisseur, par quoi il convient d’entendre que le gouvernement s’interdira de modifier sa politique une fois que l’investissement a eu lieu. Nulle contrepartie de la part des multinationales : elles n’ont aucune obligation à l’égard des Etats et peuvent engager des poursuites où et quand cela leur chante. Cette procédure est déjà mise partiellement en œuvre dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui dispose de son organe de règlement des différents (ORD).

Cette procédure entraîne des conséquences de plus en plus importantes : le coût moyen d’un procès est de 8 millions de dollars au frais de l’Etat. Cette pression financière peut avoir des conséquences directes, comme pour l’État canadien qui a préféré abroger l’interdiction d’un additif toxique utilisé par l’industrie pétrolière plutôt que de subir un procès coûteux. Quelques exemples de l’ingérence que cela représente sur la législation :

  • Le géant américain du tabac Philip Morris poursuit l’Uruguay et l’Australie sur leur législation anti-tabac;
  • L’année dernière, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a ainsi condamné les Etats-Unis pour leurs boîtes de thon labellisées « sans danger pour les dauphins », pour l’indication du pays d’origine sur les viandes importées, ou encore pour l’interdiction du tabac parfumé au bonbon, ces mesures protectrices étant considérées comme des entraves au libre-échange. Elle a aussi infligé à l’Union européenne des pénalités de plusieurs centaines de millions d’euros pour son refus d’importer des organismes génétiquement modifiés (OGM).
  • La compagnie suédoise d’énergie Vattenfall poursuit l’Allemagne parce que le pays a décidé sa sortie progressive de l’énergie nucléaire et demande 3,7 milliards de compensation de profit ;

procès multinationales EtatsTAFTAOn peut encore citer des procès contre l’augmentation du salaire minimum en Egypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou. Jusqu’à maintenant tous ces procès ont été tenus à travers l’OMC, l’accord transatlantique facilitera ces procédures en permettant aux multinationales de poursuivre en leur propre nom un pays signataire dont la politique aurait un effet restrictif sur leur abattage commercial.

Un accord secret fait par les multinationales

Du côté européen, 130 réunions ont été organisées par la Commission européenne pour préparer les pourparlers, « 119 ont eu lieu avec des multinationales, 11 avec tous les autres représentants » (ONG, Associations). L’ancien ministre du commerce américain Ronald (« Ron ») Kirk reconnaît l’intérêt « pratique » de « préserver un certain degré de discrétion et de confidentialité »  Mais en quoi les ONG et les parties civiles seraient-elles moins « fiables » à consulter que des grosses entreprises quand il s’agit de prendre des décisions avec un tel impact socio-économique? Les délégations américaines comptent plus de six cents consultants mandatés par les multinationales, qui disposent d’un accès illimité aux documents préparatoires et aux représentants de l’administration.

120 millions d’euros sont dépensés chaque année par l’industrie financière en actions de lobbying à Bruxelles, auprès des institutions européennes.

Une fatalité ?

Il est souvent renvoyé l’image que nous n’avons pas le choix de la libéralisation. Mais c’est cet accord qui servira de prétexte pour contraindre à l’abandon des mesures trop « protectionnistes », la possibilité d’un point de vue social, environnemental, du bien être animal… n’étant pas envisageable par TAFTA. Ce sont les mêmes politiciens négociant cet accord qui annonceront le « non choix » de la législation nationale.

Le système mis en place dans notre monde libre repose sur l’accord tacite d’une sorte de contrat passé avec chacun d’entre nous que l’on signe chaque matin en nous réveillant, simplement en ne faisant rien. [1]

Rien n’est jamais fatal, les lois libérales successives de ces dernières décennies donnent de plus en plus de pouvoir aux multinationales qui va de concert avec des inégalités qui augmentent. Dans le monde, on est passé de 470 milliardaires (qui possédaient en cumulé 0,898 billions dollars) en 2000 à 1645 en 2014 (qui possèdent en cumulé 6,4 billions dollars).

“La lutte des classes existe et ce sont les riches qui sont en train de la gagner” Warren Buffet, multi-milliardaire.

Mis en page (version pdf):Tract 36 accord transatlantique TAFTA


[1] Référence  à j’accepte, le contrat tacite des gens qui dorment.

Sources pour aller plus loin:

http://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/article/pour-en-finir-avec-les-mythes-sur?id_rub=22&id_mo=119 Pour en finir avec les mythes sur la transparence des négociations commerciales UE-US, lundi 6 janvier 2014, par Corporate Europe Observatory, Transnational Institute

Sur la question des gaz de schistes, ses dangers, en liens avec l’accord TAFTA : http://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports-37/article/non-a-la-fracturation-hydraulique?id_rub=22&id_mo=119

http://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/article/pour-en-finir-avec-les-mythes-sur?id_rub=22&id_mo=119 Pour en finir avec les mythes sur la transparence des négociations commerciales UE-US, lundi 6 janvier 2014, par Corporate Europe Observatory, Transnational Institute

Le marché transatlantique contre le climat et la transition énergétique ? samedi 15 mars 2014, par Maxime Combes, http://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/article/le-marche-transatlantique-contre?id_rub=22&id_mo=119

http://www.collectifstoptafta.org/IMG/pdf/taftatract_def.pdf Le Grand Marché Transatlantique : de quoi s’agit-il ?, par le collectif stop tafta

https://stoptafta.wordpress.com/2014/03/19/les-degats-de-larbitrage-prive-contre-les-etats-tafta-ttip/

http://www.alimenterre.org/ressource/l%E2%80%99accord-partenariat-transatlantique-sujet-a-surveiller-pres

http://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/

http://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports-37/articles/une-declaration-transatlantique-des-droits-des-multinationales?id_rub=22&id_mo=119

Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens par Lori M. Wallach, novembre 2013, article du monde diplomatique

http://www.collectifstoptafta.org/IMG/pdf/taftatract_def.pdf Le Grand Marché Transatlantique : de quoi s’agit-il ?, par le collectif stop tafta

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Surpèche, pèche moderne

Introduction 

Face à l’image d’Epinal du pêcheur sur sa barque avec sa canne dans un décor bucolique, il est difficile de comprendre comment la pêche a pu, en quelques années, vider la méditerranée dont  90% des « ressources » sont en état de surexploitation.

Techniques de pêche 

Lorsqu’on observe de plus près les chalutiers actuels, on observe que la canne à pêche a été remplacée par un grand filet lesté et tracté par le bateau appelé chalut.

Ceux-ci peuvent draguer les fonds marins jusqu’à 1800 mètres de profondeur. Ce lourd filet gratte le fond de l’eau, renversant sur son passage les paysages immergés dont on imagine bien les forêts centenaires de coraux et bouleversant ainsi la vie sous-marine. Il sillonne le fond des océans dans des endroits encore mal connu par les humains, des espaces sombres où la lumière ne pénètre pas.

Ces abysses où vivent des espèces surprenantes. En effet, les études s’accordent à dire qu’on ne connaitrait qu’1% des poissons peuplant les eaux profondes et que l’on découvre une nouvelle espèce toutes les deux semaines. Ces techniques de chalutage permettent de remonter 80 millions de tonnes de poissons par an. Parmi eux, 39 millions de tonnes sont des prises dites accidentelles et ne pourront pas être commercialisées. Ils sont prélevés de leur milieu naturel dans des conditions extrêmes, écrasés dans le fond du filet et souvent implosés par décompression.

Pêche en eau profonde 

Il n’y a pas de lumières en dessous de 200 mètres de profondeur, cela implique une forme de vie totalement différente. Pas de photosynthèse, des techniques de chasse et de reproduction qui n’ont rien à voir, on est plutôt dans de  l’attentisme et de l’opportunisme. La vie est ralentie pour économiser l’énergie.

La pêche intensive dans ces zones pose ainsi d’autres problèmes :

– on détruit des coraux qui peuvent avoir jusqu’à 4200 ans (le plus vieux connu à ce jour)

– la pêche « accidentelle » des « grands empereurs » qui atteignent leur maturité sexuelle à 25 ans et dont l’espérance de vie est de 160 ans produit sur ces espèces une vulnérabilité biologique bien supérieure à une sardine qui vit entre 3 et 5 ans.

Point info :

Le spécisme est à l’espèce ce que le sexisme est au sexe : une discrimination accordant moins d’importance aux animaux non-humains pour l’intérêt des humains.

L’anti-spécisme ne revendique pas une égalité stricte entre les espèces, mais plutôt de toutes les considérer comme ayant un intérêt à la vie et une capacité de souffrir et/ou de ressentir du plaisir. Pour les industriels, cette considération impliquerait des frais supplémentaires allant à l’encontre de notre cher principe de croissance économique.

Je soutiens qu’il ne peut y avoir aucune raison – hormis le désir égoïste de préserver les privilèges du groupe exploiteur – de refuser d’étendre le principe fondamental d’égalité de considération des intérêts aux membres des autres espèces.

Peter Singer, « Animal Liberation », 1975

La souffrance muette

Beaucoup de poissons arrivent à la surface les yeux et les organes exorbités à cause du changement brutal de pression. La pêche n’est pas sélective et détruit les fonds marins à une vitesse nettement supérieure à celle du renouvellement naturel.

Ainsi, seul 3% des espèces remontées sont commercialisables.  Celles-ci seront ouvertes à même le bateau. Ces bateaux-usines sont organisés de façon à prélever et à conditionner un maximum de poissons. Ils possèdent donc tous les équipements : le chalut ainsi que

que les usines de traitement et de conditionnement des poissons. Les poissons se voient donc ôter les intestins puis sont suspendus au cours du conditionnement. La plupart sont déjà morts par suffocation. Les poissons sont-ils conscients de quelque chose ? Peu d’études se sont penchées sur cette question. Une chercheuse (Lynne Snedon) de l’université de Liverpool a cependant mené des recherches sur leurs systèmes nerveux et il apparaît qu’ils sont eux aussi sensibles à la douleur.

En abstract de cette boucherie héroïque, un français consomme en moyenne 40 kg de poisson par an. Tous les bienfaits qu’on lui confère en oméga 3 profitent à l’industrie poissonnière mais nuisent à la biodiversité et parfois à notre santé (ex : les élevages d’atlantiques du Nord sont  remplis de métaux lourds).

Point info :

Les graines de lin et les huiles de Colza et de noix sont des aliments très riches en oméga 3.

 

On a distribué ce tract en forme de poisson. Pour retrouver comment le plier c’est par là:

Tract format pdf:tract 35, surpèche et spécisme

Format .doc: tract 35 surpèche et spécisme

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Exclusivité du couple

N’en déplaise aux conventions grammaticales, ce texte a été aléatoirement féminisé.

Ce petit écrit n’a pas la prétention d’expliquer quel type de relation il est préférable d’avoir avec l’autre. Il se veut un début de réflexion sur le couple, que ce soit au niveau de notre relation dans celui-ci ou au niveau des valeurs qu’on transpose dans les couples des autres et qui peuvent générer une forme d’oppression. Certes tout ce qui est du domaine du sentimental n’est pas rationnel, mais en discuter permet d’évoluer et de déconstruire certaines normes.

L’amour est un choix individuel alors que le couple est un choix social. Dans Le banquet, Platon développe le mythe de l’incomplétude qui condamnerait les êtres humaines à rechercher leur « deuxième moitié », « la bonne personne ». Ce mythe fait partie intégrante de la conception de l’amour. Une fois « l’amour » trouvé, la peur de la précarité affective est toujours présente. La supposée sécurité de l’exclusivité fait état de notre besoin d’être rassurer. Un couple réussi est alors un couple stable, qui dure dans le temps.

exclusivite 1Il arrive que les deux membres d’un couple voient leur individualité s’effacer plus ou moins au profit du troisième « corps » qu’est le couple. Le couple en tant que structure (et non en tant qu’état de fait) trouve une existence propre qui lui permet d’intervenir dans l’union « amoureuse » de deux personnes. L’image ou le regard renvoyée par les personnes extérieures consolide souvent cette structure de couple, enfermant potentiellement les deux partenaires dans une association systématique de l’un à l’autre. Au même titre que la relation « amicale », cette association n’est pas négative en soi et peut être assumée.

L’exclusivité : un gage de la confiance ?

exclusivite 2L’engagement dans une relation affective se construit sur un processus de confiance réciproque. Dans une relation de couple traditionnelle [normative], l’exclusivité tient une place importante dans le rapport de confiance. Pourtant, la définition de la notion de confiance reste propre à chacun et peut se construire sur d’autres concepts que sur la fidélité sexuelle ou relationnelle.

Base du rapport :

Le problème de la notion d’exclusivité est qu’elle pose comme base la relation de la conjoint avec les autres et non la relation du couple en lui-même. On pourrait opposer un modèle qui centre la discussion sur la relation au sein du couple. Ainsi, par exemple, partir en point de départ de la question « je sens une certaine distance entre nous ces derniers temps », plutôt que d’accuser sa relation aux autres (tromperie ou autre).

La question de la tromperie ne se porte que strictement dans une limitation sociale de son partenaire. Les limites y sont arbitraires (elle a piqué mon morceau de roquefort, il couche avec une autre, il tient la main d’une autre, elle parle longuement avec une autre, il embrasse un autre,…) mais portent le problème en tant que tel. Ce problème est indissociable avec la question d’une preuve de la tromperie.

Un couple peut aller bien même si un des membres trompe l’autre depuis 10 ans, mais cela devient un problème lorsqu’on se rend compte de cette tromperie. Le fonctionnement du couple est mis en péril par la révélation de la tromperie, mais la tromperie – au sens du couple traditionnel – est-elle en cause ? Si la tromperie est alors perçue socialement comme étant un mal en soi, les relations au sein du couple pendant le même lapse de temps troublent cette perception. En effet on pourrait trouver des couples qui vont bien parce que l’un ou l’autre ou les deux partenaires s’autorisent à aller « voir ailleurs » (la tromperie devient alors curative).

Le concept de tromperie peut alors exercer plusieurs formes d’oppressions : direct lorsque la preuve arrive ou via les remords du trompeur (Que va-t-il arriver si elle est au courant ? Qu’ai-je fait ?) ; ou social, c’est-à-dire même si on pardonne d’avoir été trompé, ou qu’on ne considère simplement ne pas avoir été trompé, on a toujours des potes pour rappeler régulièrement : « Comment tu peux accepter cela ? T’as vu ce qu’il/elle t’a fait ? ».

Oui car le couple, c’est aussi des apparences, des masques à tenir, avec un minimum de conformité à une idéologie dominante. Si un couple effectue une « pause », s’ils n’ont pas « assez » de relation affective en public, s’ils disent devant tout le monde des choses qui ne devraient pas se dire en public (un désaccord ou autre), s’ils sont dans un même lieu mais qu’ils ne dorment pas ensemble, l’entourage peut vite considérer que ça va mal au sein de ce couple.

On peut vite jouer un rôle important pour rappeler le couple à sa norme, lorsqu’on génère des blancs, lorsqu’on s’auto-exclue des couples, car « faut bien les laisser tranquille » (mais pourquoi ça ne serait pas le couple qui demanderait son besoin de tranquillité ?), lorsqu’on n’a pas envie d’aborder certains tabous etc. Le problème existe lorsque cette règle devient généralisée.

exclusivite 3Relations non-exclusives

[Point info] : En plus d’être un concept marketing, les termes « d’amour libre » suppose indirectement, et injustement, que les relations exclusives sont forcément oppressantes et non-libres. C’est pourquoi les termes de « non-exclusivité » seront ici privilégiés.

Contrairement au libertinage, la non-exclusivité n’est pas obsédée par le désir charnel mais par les relations inter-individus.

exclusivite 4Les relations non-exclusives peuvent prendre plein de formes. L’approche des deux partenaires de la relation étant différente, l’idée est de trouver un consensus par la discussion. Certains peuvent éprouver le besoin d’établir certaines règles explicitement (ex : pas avec les amis proches, la famille…), d’autres de se baser sur la franchise, d’autre encore d’établir le moins de règles possibles et d’en discuter au fur et a mesure…

Aucune relation n’est de toute façon figée, elles évoluent au gré des expériences et peuvent s’arrêter sur un accord (ou un désaccord). Ici le facteur temps n’est pas forcément vital ni un gage de « réussite ».

Dans l’idéologie dominante, l’exclusivité du couple est la norme, si bien qu’elle est souvent acceptée tacitement dans la relation. La possibilité de choisir un autre modèle de relation affective est donc de fait restreint par l’environnement social.

La possibilité d’être en « poly-amour » est souvent exprimée comme impossible car cela générerait des conflits, des jalousies. Mais on garde ici la vision d’une hiérarchisation des relations qui aurait pour résultat une compétition affective. Et si la compétition affective n’était pas le seul mode des « relations amoureuses  », et si l’on considérait chaque relation pour ce qu’elle est indépendamment des autres (qu’elles soient personnelles ou normées), et si en considérant les relations incomparables ou juste différentes on replaçait les spécificités de chacun au centre des relations.

 

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Système carcéral, système punitif

Le pourquoi de ce texte

evadons les prisons

Ce texte se veut être une réflexion sur le système judiciaire. Il n’apporte pas d’alternatives ou de solutions directement, et ne veut porter aucun jugement du bien ou du mal absolu d’un fait. Il veut mettre en évidence la misère intellectuelle lorsqu’il s’agit de parler de « délinquance » ainsi que les mauvais problèmes qui sont posés. L’idée est : si on les pose différemment, il est possible de trouver des solutions collectives qui n’utilisent pas la prison ou un autre système répressif.

Justice : la punition comme solution

Il y a dans le fait de punir, l’idée de proportionner la peine,la douleur que l’on veut causer au coupable, avec le crime ou délit commis. La justice punitive a, dans ce sens, beaucoup en commun avec une vengeance collective/sociétale. A un mal subi, on répond par un mal infligé. Et il y a dans le fait de tenir le coupable et de le punir, l’idée que les choses tournent rond et que la République fonctionne.

Dans la mythologie grecque, le premier tribunal institutionnel (par opposition à la justice privée, rendue par les particuliers) a été crée par Athéna pour juger du cas d’Oreste. Par vengeance, ce dernier a tué sa mère Clytemnestre qui elle-même avait fait assassiné son père. L’institution fut donc fondée dans l’idée de mettre un terme au cercle infini de la vengeance… mais est-ce vraiment le cas ? Ne serait-elle pas plutôt devenue son prolongement légal ?

La deuxième chose que soulève le mythe d’Oreste est la légitimité des juges. Lorsque Athéna fonde le tribunal de l’Aréopage, elle donne aux hommes (et donc à la société) la responsabilité de rendre des jugements. Or l’institution judiciaire est une manifestation sociétale. Mais si l’on ne peut logiquement pas être juge et partie, qui donc a légitimité pour rendre justice ?

Punir et réprimer tout acte mauvais

        La prison, ou les peines répressives, semblent obligatoires dans l’imaginaire collectif pour garder la paix sociale. Pourtant elle est plus un pansement sur une plaie béante qu’une réflexion de fond sur notre société actuelle et sur les relations inter-individus. La prison passe bien dans les médias, on prend la victime sous son angle le plus détruit, on montre des images du tribunal et ça donne l’impression qu’on a réglé le  problème. Par contre, on ne regarde pas sur le long terme comment cela se passe pour la « victime » qui continue de vivre ou le « coupable » qui sortira bien un jour de la prison. On ne s’intéresse donc pas au devenir du prisonnier qui peut être devenu fou ou plus violent à cause de la prison, ni à la victime qui, peut être, déprime ou se remet à contacter son tortionnaire (comme un certain nombre de femmes battues).

surveiller et punir, M Foucault

 Il faut juste donner l’impression que l’on fait quelque chose, qu’on « réagit », mais ne surtout pas réfléchir. La  plupart du temps lorsqu’un fait divers important est médiatisé, il y a systématiquement une loi répressive qui est votée en urgence dans la foulée. Comment peut-on dire qu’une pensée constructive sur les individus et la société a eu lieu dans ce cas ?

 La fabrique à victimes :

 Les lois nous enferment dans un système de répressions automatiques sans même questionner la victime (qui peut ne pas forcément désirer une vengeance). De même la procédure répressive induit « un rôle » de victime particulier :

 La victime, qui est la proie d’un prédateur et qui par chance en réchappe et s’en sort vivante, arrive dans la grande sélection pour le loto pénal. Elle a trois étapes : d’abord prouver qu’elle peut prétendre au rôle de victime, puis elle peut accéder au statut de victimable selon le degré de dommages subis. Jusqu’au procès sa position est instable pour X raisons (vice de procédure, manque de preuve et le pire pour la victime, même si elle est pour la peine de mort, le suicide avant procès de son agresseur… là, elle devient folle de rage, la victime). Au procès donc, si tout se passe dans les formes, le tribunal lui accorde la fonction de victimiste selon le pourcentage d’intérêts perçus. Et là, on parle évidemment d’argent. [1]

La fabrique à coupables :

                 Notre société a la fâcheuse tendance à punir sans se remettre en cause. L’idée n’est pas de nier la responsabilité de l’individu, mais d’arrêter de nier la responsabilité de la société. Une société basée sur un fonctionnement profondément inégalitaire, sur un capitalisme exclusivement focalisé sur la rentabilité, sur une concurrence qui créait une majorité de perdants et de la frustration, génère des violences institutionnelles qui ont un rôle important dans les violences interpersonnelles. Une fois mis en prison, la violence qui a lieu dans ces lieux est tellement importante qu’on pourrait s’étonner à ce qu’il n’y ait que si peu de récidive en revenant dans la société…

 Comment expliquer cette contradiction : « punir pour vivre en société », alors qu’en parallèle une partie des violences effectuées contre les individus est acceptée, ou même considérée obligatoire pour le « bon fonctionnement » de la société ? Alors que la plupart des règlements de conflits se font en dehors de ce système répressif (que ce soit de manière juste ou injuste) ?

Linguistique et présupposés

  « Les racailles », les « délinquants »[1], ces mots sont aujourd’hui banals sur la scène politique et médiatique. Pourtant il y a beaucoup de concepts qui y sont associés. Tout d’abord, et peu importe ce qui a été effectué, la délinquance c’est forcément ce qu’il y a de pire. Ce concept met sur le même plan le vol dans les supermarchés, la voiture abandonnée depuis longtemps qu’on brule, le viol collectif ou le tabassage d’une mémé pour quelques euros.

Ze suis délinquant, c'est le docteur qui me l'a ditL’individu, devenu « délinquant », n’est plus un être actant, mais un être déviant, et ce, pour toute sa vie durant laquelle un fichier sera là pour le ramener à sa faute. Aux yeux d’autrui, il perd toute morale et pourrait commettre n’importe quel autre crime, on l’étiquette pour se méfier de lui à premier abord. Qu’importe si rentrer dans une case c’est réduire sa personnalité. Qu’importe si la catégorisation peut pousser l’individu à se conformer à l’image qu’on lui attribue. 3

La justice : notre super héro qui détermine le mal

justiciers Qu’est-ce que la violence ? Il n’y a pas de définition qui ne soit pas subjective (c’est-à-dire liée au parcours de celui qui l’énonce). La justice petit à petit évolue sur ces concepts, elle a rajouté le viol, le harcèlement (quoique juridiquement compliqué) mais aussi l’outrage à l’agent et bien d’autres choses. Cependant, elle prend peu en compte la violence du licenciement, la violence des contraintes au travail, psychologique etc. La justice n’est pas figée. Elle ne condamne pas selon la loi, mais selon des principes plus complexes (jurisprudence) et un certain nombre de lois n’est pas pris en compte par la justice.

Je suis délinquant et vous Tout individu a déjà effectué et effectuera des actes illégaux dans sa vie, heureusement tous ne subiront pas la répression. La justice décide donc de ce qui est mal, décide qu’une personne sera victime ou non. Cela reste et restera arbitraire (heureusement), le problème relève plutôt de l’opinion publique qui transforme un point de vue subjectif en un phénomène immuable et scandaleux.

Pour aller plus loin : voir concept d’Outsider et de norme d’Howard Becker

Tract à télécharger:

Word:tract 33 justice et prisonV3(1)

PDF: tract 33 justice et prisonVF

 

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LES SEMENCES PAYSANNES, les graines de la colère

Pourquoi parle-t-on des semences paysannes? Et c’est quoi?

Depuis la sédentarisation des humains dans le croissant fertile il y a 12 à 14 000 ans, nous ne cessons de sélectionner les semences. Une semence qui disparait, ce sont plusieurs siècles à plusieurs millénaires de travail et de connaissances. Toutes nos prouesses des laboratoires semenciers se basent sur ces plantes-là. Ces plantes qui se sont adaptées à chaque sol de chaque territoire et qui sont génétiquement très différentes.

Aujourd’hui parmi ces graines, seuls quelques dizaines sont autorisées à la commercialisation, et sont regroupées dans un catalogue officiel, tenu par le parlement européen. Toutes les autres graines, on estime à plusieurs centaines de milliers de variétés, sont considérées comme étant des variétés anciennes.

Par ailleurs, lorsqu’un paysan achète des semences inscrites et qu’il décide l’année suivante de semer les graines issues de sa récolte, on parle de semences de ferme.

Le terme « semences paysannes » regroupe lui à la fois les « semences de ferme » ainsi que des semences de variétés non inscrites au catalogue européen.

Aujourd’hui, les semences paysannes font polémique car l’industrie semencière et la législation Européenne veulent limiter voire interdire le libre échange des graines entre producteur, la liberté de stocker et d’utiliser ces graines. L’esprit des lois actuelles tend à obliger les paysans de passer par des semenciers industriels par de multiples stratégies.

Rappelons que stocker ses semences demande un travail supplémentaire de la part des paysans, que ça nécessite de la place (on parle de tonnes) et un savoir-faire pour ne pas risquer de perdre une récolte entière. Peu de paysans s’y risquent, seule une poignée de passionnés se lancent dans cette aventure. Autrement dit,  les groupes de l’industrie semencière s’acharnent à imposer des lois qui concernent 10% des paysans du milieu agricole.

A l’échelle de l’EUROPE

Le parlement européen va prochainement voter un paquet législatif sur la commercialisation des semences, la santé des animaux, les plantes, ainsi que les contrôles sur la chaîne alimentaire.

En première lecture, ces textes permettraient la reconnaissance du droit des paysans d’échanger leurs semences ainsi que de commercialiser des semences de variétés non enregistrées ou hétérogènes (contrairement à la loi actuelle). Cependant on peut voir par la suite que ces droits sont très limités.

En effet, dans ses propositions, le parlement vise à :

– généraliser les plantes et les variétés brevetées, soit un risque d’interdiction totale des semences de ferme ainsi qu’une contamination de toutes les semences paysannes (Ces dernières n’étant pas prises en compte car interdites)

– instaurer des normes strictes de production et de commercialisation, qui coûtent cher aux petits producteurs et aux semences biologiques[1]

-interdire indirectement les associations de conservation de biodiversité de diffuser leurs semences. La réglementation étant très lourde, cela rend cette activité hors de portée de ces associations à petits moyens[2]

-les autocontrôles des semences, sous normes officielles visent à déplacer la responsabilité civile vers l’agriculteur. Ces contrôles sont à la charge des paysans, seul celui qui a les moyens de prouver qu’il a pris toutes les précautions nécessaires (équipements et personnels agréés, analyses, audits…) peut dégager sa responsabilité en cas de problèmes sanitaire, phytosanitaire, de biosécurité (comme la contamination OGM). Autrement dit, sous couvert de contrôler des problèmes de l’agriculture moderne, on favorise les semenciers industriels.

Aux Etats Unis, entre 1997 et 2010, Monsanto a intenté 144 procès et a négocié 700 arbitrages pour atteinte à la propriété intellectuelle arguant que ses semences Génétiquement Modifiées étaient cultivées sans payer de redevances. Une bonne partie de ces procès visent des paysans dont les terres ont été contaminées par la diffusion depuis les champs voisins. Des agriculteurs victimes des modifications des gènes de la multinationale se retrouvent coupables et sévèrement condamnés[3].

A l’échelle de la FRANCE

La loi de Certificat d’Obtentions Végétales (COV) de 2011 rend possible la pratique de semence de fermes pour 21 espèces (et interdit donc toute réutilisation pour les autres espèces que ce soit par semis, échange ou vente) sous réserve pour l’agriculteur de rémunérer l’obtenteur[4] des variétés qu’il utilise…

En ce début 2014, de nombreuses actions pour le droit paysan ont permis d’obtenir de grandes avancées pour les semences de fermes :

– inscription dans la loi que « l’utilisation de semences de ferme ne constitue pas une contrefaçon »

– engagement du gouvernement de « présenter un amendement afin que les semences de ferme ne soient plus concernées par la loi renforçant la lutte contre la contrefaçon ».

Aujourd’hui un nouveau projet de loi, la Loi pour l’Avenir de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt (LAAF) est en cours d’examination.

Selon la communication des porteurs de cette loi, l’objectif est  d’orienter l’agriculture vers un modèle agro-écologique, permettre un renouvellement des générations et modifier la relation entre agriculture et société.

Le ministre de l’Agriculture, a défini l’agro-écologie comme “un système de production privilégiant l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité en diminuant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires”.

Cette définition donne par le concept de « compétitivité » une place prépondérante du monde économique, et fixe un objectif de rentabilité de l’agro-écologie.

On pourrait reconnaître dans une première approche une certaine rupture avec le modèle agro-industriel actuel :

Pour les semences paysannes, l’expérimentation à la ferme est autorisée. Les paysans peuvent produire des semences non inscrites dès lors qu’ils s’inscrivent sur un registre.

Mais une fois que ce référencement est effectué, si on applique le décret européen, cela constituerait une liste de tous les paysans illégaux, ce qui peut leur être fatal. Qui plus est, ils ne peuvent ni vendre leur semence, ni les troquer ni les donner en tant que tel. On empêche donc le partage de savoir et l’enrichissement des expériences.

Conséquences sur la paysannerie

Il semble cohérent de faire confiance au savoir-faire paysan vieux de plusieurs milliers d’années, plutôt qu’aux agro-businessmen qui font la chasse aux primes PAC* et jouent aux chimistes de plein champ. Les conséquences de ces lois existent déjà et se renforcent:

– Création de monopoles qui s’amplifient au cours du temps. 10 multinationales (Monsento, Dupont, Syngenta, Limagrain, Bayer, etc.) ont contrôlé 67 % du marché mondial des semences en 2007 et 73% du marché en 2009.[5]

-Ces monopoles impliquent des uniformisations. Uniformisation des gènes, et donc réduction de la biodiversité mondiale. Quelques dizaines de variétés nourrissent plus de 90% de la planète. Et déjà 80% des variétés d’il y a 50 ans ont disparu.

– Uniformisation des pratiques, entre autre ces multinationales  pratiquent beaucoup la monoculture avec pesticides et forts ajouts d’intrants chimiques. Ce sont les mêmes qui modifient les espèces génétiquement. Cela s’oppose avec une conception réellement écologique de l’agriculture, qui se doit d’être décentralisée et pensée en fonction du lieu et des saisons locales

– Les paysans deviennent totalement dépendants de ces quelques entreprises. On réduit ainsi les possibilités d’explorer des alternatives, et on détruit les possibilités d’avoir les contre-pouvoirs à la base de toute démocratie.

– On pousse à l’expertisation et à l’augmentation du temps de gestion administrative pour les paysans. Il faut maintenant être ingénieur agronome pour gérer des semences, réservant ce domaine à des élites scientifiques.

– Les maladies deviennent plus généralisées et incontrôlables. L’intensification des cultures comme de l’élevage peut entraîner des désastres, comme ce fut le cas avec la vache folle pour les animaux ou le phytophtora pour les aulnes (arbre). Par conséquent si une maladie attaque une variété précise de blé, ce sont des quantités colossales et de très nombreux producteurs touchés, ce qui entraîne d’avantages d’impacts négatifs sur la population mondiale. Si on laissait les agriculteurs développer des variétés très différentes, on éviterait ce problème.

* Pour toute conversion en bio, la PAC verse une prime à l’hectare. De là certains abus ont été constatés : des gros propriétaires qui  passaient 100ha en reconversion bio, et touchaient pour cela des primes pendant 2 ans. Ensuite ils refaisaient de l’intensif dessus pendant 2 ans, pour pouvoir repasser en reconversion pendant encore 2 ans. Alternant ainsi deux passerelles de 100Ha, cela leur permet de toucher continuellement les primes.

[1] A cause d’un matériel spécifique onéreux (mini-batteuses, trieuse à spirale…), un protocole de culture et de suivi stricts, des échantillons d’analyses qui coûtent.

[2]Se référer au procès de Kokopelli : https://kokopelli-semences.fr/juridique/proces_perdu

[3]Depuis 2013, Monsanto ne peut plus poursuivre les agriculteurs contaminés … à moins de 1% de semences OGM. http://www.infogm.org/spip.php?article5497

[4] celui qui a produit par hasard ou par sélection volontaire une semence de « variété nouvelle »

[5]http://www.alternativesante.com/capsulesante/nouvelles/nouvelles.asp?Nopetitesnouvelles=1&NoCapsules=1508

 

Pour télécharger le tract mis en page, pdf: Tract 32, les semences paysannes, les graines de la colère

Word: tract 32: LES SEMENCES PAYSANNES, les graines de la colère

 

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Justice à double vitesse

Certaines violences, certains vols sont légitimes, d’autres non. On ne reproche pas aux voleurs de voler quand on les met en prison on leur reproche leur statut social, ou leur insolvabilité.  Un SDF de Compiègne est passé deux fois en prison (une fois 3 semaines, une fois 3 mois), pour avoir volé des bières au supermarché.

nul nest sensé ignorer la loi

Moi, étudiant ingénieur, j’irais voler des bières, même de manière répétée, je ne risquerais pas grand-chose. De un, parce que je pourrais rembourser mon vol si je suis pris, de deux parce qu’on ne met pas un futur ingénieur aussi facilement que cela en prison. 85% des détenus en France ont un diplôme équivalent ou inférieur au CAP[1]. On peut en déduire que : soit plus on va à l’école, et mieux on connait la « bonne morale », ou soit tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Une étude sociologique des violences serait intéressante à développer, mais on ne se concentrera pas là-dessus ici.

Particularités de l’individu

Lorsqu’on passe devant le barreau de la justice, qu’on a du mal à s’exprimer à l’oral, qu’on a des mimiques incontrôlées, qu’on ne montre pas certains ressentis attendus par le jury (à l’image de l’étranger d’Albert Camus), qu’on a une tête d’étranger, qu’on a un CV vide ou qu’on vient de la banlieue, on part avec un handicap très fort. Tous les individus n’ont pas les mêmes capacités de par leurs particularités et leur histoire, ils ne sont pas égaux face à la justice.

inegalite sociale

Justice de classe

Une expérience intéressante est d’aller au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris où sont condamnés les détournements de fonds très élevés et d’aller dans un autre tribunal jugeant les affaires plus « lambda » (les jugements sont tout public). Dans le premier cas, on voit rarement les acteurs finissant en prison.

Question de la violence :

La définition et la perception de la violence sont éminemment subjectives, bien qu’on tente toujours de l’universaliser. La perception de cette violence devient complexe (mélange de législation, de  médiatisation, et « d’imaginaires populaires »).

Violence légitime, violence illégitime

garde à vousPour illustrer cela, je vais parler de deux faits divers, ou plutôt, de la médiatisation et de l’opinion publique qui s’est développée sur ces faits. Il y a quelques mois, quasiment en même temps, une pétition tournait pour rétablir la peine de mort suite à l’affaire Fiona (une fillette qui a été retrouvée morte), une autre en soutien à un bijoutier qui venait de tuer dans le dos un braqueur qui s’enfuyait, prônant la légitime défense.

Pour cette deuxième affaire, on ne parlait dans les médias pas tant de ce qu’avait fait le bijoutier que de ce qu’avait fait le braqueur. Dans ce cas, on accepterait presque le meurtre puisque, le bijoutier s’est défendu contre une violence considérée plus illégitime que la sienne. Tuer pour des bijoux de luxes devient légitime. On accepterait la violence institutionnelle (peine de mort, prison), ou individuelle (légitime défense) contre les mauvaises mœurs plus que contre les faits exacts.

culture du chiffre

J’ai eu la chance sur le marché l’autre jour de tomber sur trois agents de la police nationale discutant depuis plus d’une demi-heure avec une sdf qui avait « une tête d’étrangère ». Celle-ci avait mangé des saucisses sans les payer. Ils voulaient l’embarquer en garde à vue pour avoir volé pour une valeur de 4,40 euros. Quand j’ai payé ces 4,40 euros, elle a pu partir. On ne lui reprochait plus d’avoir volé. La discussion que j’ai eue avec les policiers m’a semblé bien plus violente qu’un vol d’aussi peu d’argent. L’idée n’est pas de généraliser cela à tous les policiers, ni de porter une quelconque conclusion sur la police mais simplement  d’illustrer mes propos sur la violence légitime.

Cela commençait par

« …
« La voleuse » – je ne suis pas une sauvage. Je suis citoyenne française.
« un des policiers » – Vous n’agissez pas comme une citoyenne française
… »

La voleuse cherchait à rembourser son vol en proposant des bagues qu’elle avait, mais ça ne plaisait du tout à la marchande qui avait appelé la police.

Quand je suis rentré dans le cercle, un des policiers m’a dit que la voleuse avait de la chance d’être tombée sur cette marchande. Elle l’aurait volé lui personnellement, il l’aurait « démonté » et n’aurait pas appelé la police comme l’avait fait la marchande.

Puis j’ai eu droit à toutes les leçons de morales comme « voler 4 euros, c’est comme voler 15 000 euros », « tu ne voleras point, c’est écrit dans LE livre », « c’est pas une vraie pauvre, elle a un bonnet, une écharpe et des bagues. Une vraie pauvre irait à l’assistance sociale, une vraie pauvre ne vole pas et va manger au secours catholique »… Pour élément contextuelle la voleuse n’avait jamais élevé la voix ni ne s’était énervée, mais je me suis dit que rencontrer régulièrement des agents de la loi ayant un tel discours peut pousser beaucoup d’individus à la violence.

Mise en page disponible ici:tract31 – violence légitime


[1] Source : http://www.carceropolis.fr/#, onglet chiffres clef>formation/insertion, consulté en novembre 2013

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ALLEMAGNE, SYSTÈME IDÉAL?

Pendant un an j’ai travaillé à Karlsruhe (Baden-Württenberg) dans une pizzeria de 25 employés, payé à 5,5 euros de l’heure. C’est à cette occasion que j’ai fait la rencontre de Fatima que j’ai interviewée. Le texte écrit a été écrit comme un CV, révélant beaucoup de chose sur le système social allemand. Vous retrouverez son interview intégrale ici:

Interview Fatima

Fatima, 47 ans

Expérience professionnelle :

1984-1987: (de 17 à 21ans)

Vie et travail en Suisse : Situation précaire pour les travailleurs étrangers, pas le droit de démissionner, pas le droit de changer de canton, etc.

1987:

J’emménage en Allemagne. Plus besoin de permis de travail, possibilité de démissionner : Pour moi, c’est la sortie de l’esclavagisme

Rencontre du père de mes enfants

Job à plein temps dans la restauration, j’entame une formation pour l’obtention du Mittlere Reife (examen niveau première) nécessaire pour débuter une formation professionnelle

Août 1989:

Arrivée à Berlin, chute du mur, suffisamment de jobs pour tous, possibilité de changer si cela ne plaît pas

1ère grossesse, continue de travailler jusqu’au 8eme mois, naissance de Myriam, mariage. 2ème grossesse, naissance de Merwan

1994:

Séparation d’avec le père de mes enfants, déménagement à Karlsruhe, Pour que les enfants apprennent le français, inscription à l’école européenne de Karlsruhe : 960 DM (480 €) par an .

Galère pour la recherche d’appartement: C’était vraiment difficile de trouver quand on est une femme seule, étrangère, avec deux gamins. Il fallait tricher, mentir, raconter des histoires, de façon à rassurer le propriétaire. J’ai appelé pour plusieurs appartements, les propriétaires disaient « je suis désolé, c’est déjà loué ». J’ai demandé à un copain allemand d’appeler à son tour, et lui recevait un RDV pour visiter… Cette discrimination, je l’ai connue dans tous les domaines.

Une incitation très forte de la société pour un emploi à plein temps… le « métier de maman » considéré comme impossible alors que l’école gratuite et obligatoire ne commence qu’à partir de 6 ans en Allemagne. Le métier de nounou est reconnu lui, mais il faut s’occuper des enfants des autres, pas des siens. De quoi dissuader de faire des enfants. Les aides sont fournies en fonction du nombre d’adultes et d’enfants qui vivent sous le toit et du loyer. En tout, j’ai touché environ 900-1000 DM (450 à 500 €) par mois. Du coup je travaillais au noir pour payer l’école européenne. La 3ème année, quand Myriam entre en primaire et Merwan en 1ère année, j’ai obtenu une bourse scolaire du consulat de France.

2000:

J’ai pu avoir un job chez un consultant fiscal pour 630 DM (315 €) par mois. Il n’avait pas le droit de me payer plus sous ce statut, mais je recevais dans la poche les extras pour les heures que je faisais en plus.

2001:

J’ai changé pour un architecte, car le consultant partait en retraite et son successeur était un incapable. Là je n’ai travaillé qu’un an, j’ai arrêté car il y avait peu à faire et que je venais surtout pour me faire draguer.

2002 :

Je me suis fait engager dans une résidence de personnes âgées. Je devais faire le service, et aider les petits vieux. Chacun avait son appartement, ils étaient encore relativement indépendants. Je travaillais 11h à 14h par jour, et j’étais payée 1000 € brut, soit environ 700€ après cotisation. Je recevais en plus de ça beaucoup de pourboires. Peu aimée de mes collègues car en tant que polyvalente, je connaissais tous les services. J’étais la seule qui connaissait tous les pensionnaires par leurs noms et leurs particularités, et je touchais entre 100 et 300 € de pourboire par mois. Je n’avais plus besoin de travailler au noir, et on a pu un peu partir en vacances avec mes enfants. J’y suis resté jusqu’à fin 2005. C’est moi qui ai démissionné. Je me suis fait avoir, je devais travailler autre part et ça n’a pas marché. Et quand on démissionne, on n’a pas droit à l’aide sociale pendant les trois mois qui suivent. J’aurais dû faire en sorte de me faire jeter, mais je n’ai pas voulu. Puis je suis tombée malade, pendant 6 mois. C’est l’assurance maladie qui couvrait mes frais. Après ma guérison, c’était à nouveau l’Arbeitsamt (Pôle emploi) qui les prenait en charge.

Juillet 2006:

Je peux reprendre le travail. Comme j’étais chômeuse depuis plus d’un an, j’étais descendue à l’échelon d’en dessous, au Sozialamt (services sociaux), qui s’appelle maintenant l’Hartz IV. J’ai été contrainte d’accepter un travail en maison de retraite.

2007:

J’ai fait quelques heures en restauration, au service et à l’accueil, jusqu’à 2010, dans un restaurant-traiteur qui assurait des mariages, baptêmes etc. Je ne faisais officiellement que 2 à 3 jours par semaine, pour 450 € par mois. Je payais volontairement des cotisations pour avoir plus tard quand même une mini-retraite, ce qui me faisait donc 392 € par mois. Je compensais avec d’autres petits jobs.

Spécificité Hart IV

Ce système dit que tant que tu n’as pas d’emploi, tu peux travailler pour une aide caritative ou sociale, souvent dans les soins et maisons de retraite. On est payé 1 à 2€ par heure, mais en conservant l’aide sociale.

384 € par adulte plus ses frais (loyers et factures). Ils ont incité les employeurs à prendre des employés en situations extrêmes sans les payer pendant un an (NDLR : les 1 à 2 € par heure sont payées par des œuvres caritatives, Églises en particulier), pour ensuite les engager. Mais les employeurs profitent du système, et ne t’engagent pas à la fin de l’année (…) et prennent quelqu’un d’autre gratuitement.

Quand tu as fait une année dans un domaine, tu as le droit de refuser ensuite. Sinon, tu es obligé d’accepter les propositions de 1€job qu’on te fait.

Dans cette maison de retraite, j’ai vu des choses abominables, comment ces vieux sont maltraités. En dix ans, le prix des places en maison de retraite a doublé, alors que le service s’est dégradé. Là où il y avait cinq infirmiers, il en reste un diplômé, tous les autres c’est les 1€job et les repris de justice qui sont forcés à faire des travaux d’intérêt général…

On devait nourrir simultanément six personnes, en veillant à leur taux d’insuline, certains s’endormaient sur leurs assiettes, d’autres ne pouvaient plus manger seuls… J’en voyais certains qui ne faisaient simplement pas leur boulot, si la personne s’endormait c’était tant pis pour elle. Il y avait aussi des coups, des insultes.

Le SMIC n’existe pas en Allemagne, sauf pour certaines corporations de métiers comme la métallurgie, la sidérurgie… Tout le reste, c’est la Freiwirtschaft (NDLR économie libérée). Officiellement, il n’y a pas de job à moins de 7€ l’heure, mais ce n’est pas vrai du tout. L’Arbeitsamt (Pôle Emploi) a accès aux comptes bancaires, chaque sous entrant dessus entraine une déduction de l’aide sociale. Je ne pouvais donc pas payer la moindre activité extra-scolaire ou sortie de classe à mes enfants si je ne faisais pas des ménages au noir. La stratégie obligatoire est de faire payer ces frais directement par les patrons. L’école devait me prendre pour une poule car les factures étaient toujours payés par des personnes différentes.

2012:

Je me fais embaucher dans une chaîne de boulangeries. Je travaillais de 4h30 du matin à 14h ou jusqu’à 18h quand j’étais de l’après-midi.Ils ne comptaient pas les heures supplémentaires. Je faisais de très bons chiffres d’affaire, parce que je prenais du temps pour mes clients. C’était considéré comme un excès de zèle.

Cette entreprise avait 48 boulangeries, et ils ne cherchaient pas à arranger les employés, on changeait d’endroit tous les trois mois, et parfois il fallait faire plus de trajet très tôt le matin. C’était payé 7€50 de l’heure, le double les week-ends et jours fériés. J’arrivais à 1400 – 1600 € brut, soit 1000 à 1200 € après cotisations.

Au mois d’août, nous recevons une lettre annonçant une diminution de 7 % de tous les salaires de la boîte. J’ai demandé conseil à un avocat, qui a envoyé un courrier à l’entreprise disant que je n’acceptais pas. Les autres n’ont pas réagit. Soit ils ont accepté, soit ils ont démissionné. J’ai été la seule à garder mon salaire. Un autre accrochage a rapidement eu lieu. Pendant un entretien, j’ai proposé des améliorations dans la formation qu’ils dispensaient à leurs nouveaux employés. Ils n’étaient pas prêts à entendre des critiques.

Ils n’ont donc pas renouvelé mon contrat. J’y ai travaillé un an, dans 5 boulangeries différentes. Je me retrouve à nouveau, à la mi-quarantaine, sans emploi.

J’avais prévu à ce moment là de prendre un peu de vacances. Je vais à l’Arbeitsamt et j’explique la situation. Ils prennent mes relevés de compte, ils me déduisent des aides sociales les sous que j’avais reçus des congés payés non consommés, considérés comme un luxe, alors que je n’ai pas pu en profiter. En plus de ça, il fallait que je me déclare chercheuse d’emploi 3 mois au préalable. Mais ce n’était pas possible, vu que je ne savais pas que mon contrat ne serait pas renouvelé. À cause de ça, j’ai perdu 3 ou 4 semaines de revenus de chômage. Donc, pas d’argent, pas de travail, pas de vacances.

Proposition pour travailler dans une pâtisserie française à temps complet. En tant que chômeuse, il aurait fallu que je déclare tout de suite au Arbeitsamt que j’avais trouvé quelque chose. Mais le type me dit que je travaille ce mois-ci, déjà entamé, à 450€, et qu’on fera un contrat plein-temps à partir du mois prochain. Les heures supplémentaires étaient payées au noir. Travail de 9h à 19h tous les jours. J’attends les papiers pour les 450€ du mois de mars, que je reçois assez tard. Je finis par prévenir l’Arbeitsamt, qui mettent fin à mes droits mais le 28 mars, mon patron me dit qu’il n’a plus besoin de moi, que j’ai déjà trop travaillé. En fait, cette place était prévue pour sa propre mère, il m’avait bien menti et arnaquée.

2013 :

De nouveau chômeuse début avril. Mi-avril, Myriam me conseille la pizzeria, où j’ai commencé en tant que cuistot. Lui aussi n’est pas prêt à me payer à plein temps tant qu’il n’est pas sûr que je sois capable de tout faire, alors qu’en fait, je fais déjà tout.

Via l’Arbeitsamt, je ne peux toucher pendant cette période de transition que 600 € par mois, ils m’ont dit que je pouvais toucher l’aide sociale. Mais comme mes deux enfants sont majeurs et qu’ils ont un petit revenu, c’est officiellement à eux de me donner de l’argent. Mon fils touche 600€ par mois en apprentissage et ma fille ne peux pas travailler plein temps car elle n’a pas encore sa place en étude de médecine, elle n’a pas le droit de gagner plus de 800€ par mois. Il est hors de question que je leur demande de l’argent. Certes, 600€ suffisent à peine à couvrir mes coûts fixes. Donc je gagne officiellement 450€ à la pizzeria, qu’on ne m’enlève pas parce que je ne suis pas Hartz IV mais chômeuse, j’ai cotisé pendant plus de 12 mois. Pour compléter, je fais donc encore quelques ménages au noir.

Et maintenant ?

Je dirais que les gens ici deviennent de plus en plus dépressifs et de plus en plus malheureux. Si je pense aux 30 dernières années où j’ai vécu ici, chacun a peur de perdre sa place de travail. Mon ancienne collègue en boulangerie y était depuis presque 30 ans, elle m’a dit qu’elle a préféré se taire et accepter d’être moins payée de peur d’être virée. Cette peur est vraiment dans les os, les gens n’ont pas la possibilité de réclamer ou de protester. Ils sont soumis, il n’y a pas de résistance. Tout le monde a peur pour sa propre place. Et même s’ils ne risquent rien, ils ne sont pas prêts à s’investir pour les autres.

J’ajouterais que ce n’est pas étonnant que le low-cost marche bien en Allemagne. Les gens font leur travail, même s’ils ne sont pas satisfaits de la qualité du résultat. C’est une mentalité qui n’est pas du tout combative.

 

Pour avoir la mise en page originale: Tract 30 libéralisme allemand VF

 

 

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