Chronique d’une violence ordinaire : Récit Poilesque + supplément poils

« Et vous voulez quoi comme épilation, le maillot échancré ou le maillot de grand-mère ? Ahah »

A l’époque, dans le centre d’épilation définitive où l’on m’a accueillie comme ça, cette blague m’a fait rire. Depuis, ma réflexion sur l’épilation a un peu évolué, et voici à peu près ce à quoi j’ai abouti.

La majorité des femmes commence à retirer leurs poils dès le début de la puberté, autour de 12-14 ans1. Au début, s’épiler n’est pas une partie de plaisir : ça fait mal, ça prend du temps et de l’argent. Mais on s’habitue et, finalement, la majorité continue à s’épiler régulièrement tout au long de sa vie. Pourtant, en plus des inconvénients précédemment cités, l’épilation ou le rasage ont d’autres désavantages :

  • ils dessèchent et fragilisent la peau, favorisent les infections et la pénétration des produits toxiques contenus dans les vêtements et les cosmétiques ;
  • ils occasionnent des rougeurs, des boutons, causent des démangeaisons
  • ils produisent des repousses moins douces que les poils d’origine
  • ils empêchent des mécanismes de régulation de températures effectués par les poils
  • ils polluent : industrie des crèmes dépilatoires et rasoirs jetables, emballages qui vont avec tous ces produits…
  • etc.


On peut donc se demander pourquoi, avec tant d’arguments à son encontre, nous sommes tant à nous épiler/raser.

« Les poils c’est moche »
La pilosité féminine est majoritairement jugée inesthétique : demander à quelqu’un.e ce q
u’ielle pense d’une femme avec des poils aux jambes par exemple, le confirme facilement. On s’épilerait donc pour un critère de beauté, parce que « je trouve ça moche les poils sur mes jambes ». Et s’épiler serait un choix qu’on ferait, comme on ferait n’importe quelle autre modification corporelle (teinture, tatouage…) c’est-à-dire en fonction de nos goûts ou nos envies. Mais alors, comment se fait-il qu’on soit une écrasante majorité à avoir les mêmes goûts ?

Norme sociale et médias
Tout d’abord, et comme pour les régimes amincissants ou autres produits de beauté, on est régulièrement confronté.e.s à des publicités pour des produits d’épilation ou de rasage qui nous « aideraient à nous sentir belle et bien dans notre corps ». À côté de ça, les médias contribuent à alimenter cette image de la femme-féminine-sexy sans poils, en ne nous mettant que rarement, voire jamais, face à d’autres représentations féminines (représentations qui nous montreraient que c’est possible pour une femme d’avoir des poils). Ainsi, de manière inconsciente, on intègre cette idée qu’une femme, c’est beau quand ça n’a pas de poils
2.

Le poids de la norme
« Chewbacca » « portugaise », « putain regarde elle a des poils sous les bras! » etc… Qui n’a jamais entendu ou utilisé ce genre d’expression pour se moquer de quelqu’un ou faire une blague ? On voit bien là à quel point la société est sévère à l’encontre des femmes qui ne respectent pas la norme de l’épilation. C’est là tout le problème d’une norme : ce qui devrait être un
choix n’en est plus un. Aujourd’hui, on ne s’épile pas parce qu’on se dit « tiens si j’enlevais mes poils pour voir », mais parce qu’il y a une pression sociale monumentale, et parce que ne pas s’épiler c’est s’exposer à un regard très critique des personnes qui nous entourent. L’influence de cette norme a des proportions considérables : être embêtée d’aller à la piscine parce que ça signifie devoir s’épiler avant, être gênée à l’idée de recevoir un cuni parce qu’on n’est pas parfaitement épilée, faire du sport en pantalon tout l’hiver si on garde ses poils…3 On en vient donc à modifier notre comportement et nos loisirs en fonction de nos poils.

Diabolisation du corps féminin

Noémie Renard4 le dit bien : « Quand on y réfléchit attentivement, cette situation semble invraisemblable. On sourit volontiers en s’imaginant un Moyen-Âge, souvent fantasmé et caricaturé, où des hommes hurleraient à la nature diabolique du corps des femmes. On écarquille les yeux de surprise quand on lit qu’il n’y a pas si longtemps, les hommes chinois trouvaient les pieds des femmes proprement répugnants s’ils n’étaient pas déformés par des bandages. Mais le corps des femmes est encore haï dans notre société. La pilosité féminine, sur les jambes ou sous les aisselles, ne constitue pas une maladie ou une anomalie. L’immense majorité des femmes présentent des poils à ces endroits-là. »

Sexisme et normes de beauté

Les idéaux de beauté ne sont pas neutres. Le développement du port du corset dans la deuxième partie du XIXème siècle, de l’industrie du maquillage dans les années 1920 ou de l’épilation dans les années 80 par exemple ont un point commun : ils apparaissent à des périodes où des mouvements féministes se développent et où les femmes gagnent en liberté. C’est l’idée d’un « retour de bâton » : le gain de certaines libertés pour les femmes serait compensé par d’autres formes de contraintes, dont des normes de beauté très sévères. Car finalement, en nous imposant une apparence, on nous impose une conduite : celle de passer du temps, de l’argent et des souffrances, jour après jour, pour se plier à un idéal de beauté qu’on n’a pas choisi. Un comportement de subordonnée5.

Choix conscient ou aliénation ? 
Sur un site relatif à l’épilation définitive, on peut lire « Se débarrasser définitivement de ces poils indésirables est le souhait de la plupart des femmes
6« . Mais finalement, est-ce vraiment leur souhait ou est-ce une vision de la beauté qu’elles ont intériorisée et se sont appropriée à force de l’entendre répéter ? D’après MIEL7, « L’épilation est un comportement de soumission à une norme sociale, et – ce qui est vraiment grave – la plupart des femmes qui la pratiquent n’ont aucunement conscience de cette soumission. Elles perçoivent au contraire leur comportement comme un choix personnel, ce qui constitue une aliénation. (pour rappel, aliénation = le fait qu’on a l’impression qu’il s’agit de notre propre choix, de nos goûts : on ne se sent pas contraint).

« Et vous voulez quoi comme épilation, le maillot échancré ou le maillot de grand-mère ? ahah »
Je ne suis pas sûre de trouver un jour beaux tous mes poils, je ne suis pas sûre d’arrêter un jour définitivement de m’épiler. Mais une chose est sûre : la prochaine fois qu’un
médecin me tiendra un tel propos, je ne rirai pas. Parce que c’est ce genre de réflexion qui alimente la pression sociale et rend l’épilation non-facultative (et que c’est encore plus révoltant qu’elle vienne d’un professionnel de la santé). Parce que, maintenant que j’en veux moins à mes poils, je vois bien à quel point ma vision de la pilosité provenait d’une norme esthétique que j’avais intégrée mais qui n’est pas fixe ; je vois bien qu’il se pourrait même que je trouve un jour ces poils beaux. Parce que ce genre de réflexion alimente le produire-consommer-polluer du capitalisme (selon le journal The Independent, le marché de l’épilation a généré 2,1 milliards de dollars aux États-Unis en 2011…).

Finalement, « il reste donc à réussir à s’arracher de cette société de consommation dont le but est bien entendu de pousser à acheter des crèmes en tout genre, rasoirs 18 lames ou rouges à lèvres dernière génération qui brillent dans le noir pendant 95 heures. Sans parler des yaourts magiques « minceur extrême » qui vous font perdre 10 kilos en deux semaines… Avant, qui sait, que le vent tourne et entreprenne l’avènement d’un modèle où hommes et femmes n’auront plus besoin de se cacher derrière de faux-semblants pour vivre – et s’apprécier (l’un l’autre et soi-même) – comme la nature les a créés. Avec leurs beautés, et leurs défauts. »8

1https://antisexisme.net/2016/02/06/impuissance-04/

2Il n’en a pas toujours été ainsi : de fait, la norme du « sans poil » est relativement récente et remonte aux années 80-90 en Occident. Il n’y a encore pas si longtemps, le poil était jugé très érotique et la pilosité féminine était considérée comme un symbole de sensualité chez la femme

3Vision courante dans un cours de sport en hiver : tous les mecs sont en short et toutes les filles… en pantalon

4https://antisexisme.net/

5Chez les jeunes femmes féministes des années 1970, une revendication centrale était d’ailleurs le droit de n’avoir pas à être en permanence sexuellement attirante (« femme-objet»). L’épilation était à refuser au même titre que les bas ou les talons aiguilles.

6http://www.epilation-definitive.com/

7Mouvement International pour une Ecologie Libidinale, http://www.ecologielibidinale.org/fr/miel-etesansepilation-fr.htm

8David Courbet, L’Obs, http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1377739-douche-epilation-stop-au-sexisme-dans-le-coit-les-hommes-aussi-pourraient-se-laver.html

SUPPLÉMENT POILS

Et maintenant on fait quoi ? (Manuel de dépoilage du cerveau)

•Prendre conscienceimage1
S’informer, lire sur le sujet, se rendre compte de la norme qui nous entoure et de ses mécanismes, mais aussi du fait que d’autres représentations existent, pour après faire son choix (un peu plus) en connaissance de cause.

« c’est un très bon détecteur à connard »

•Tenter…
… et se rendre compte que souvent, ça ne fait pas un drame ! Malgré tout ce qu’on pourrait nous faire croire, des jambes un peu poilues ne se remarquent souvent pas, et un maillot non-épilé ne fait pas toujours fuir les partenaires sexuel.les. Souvent, tenter et faire semblant qu’on est à l’aise avec, marche, et peut rendre à l’aise ! Ce qui est encore plus cool, c’est que avoir ce « courage » de montrer ses poils peut inspirer d’autre courages.

•En parler / communiquer dessus
« Mais toi tu vis pas dans le même monde, t’as pas les mêmes potes que moi… ». Ici, on sous-entend que certaines sont entourées de personnes plus ou moins tolérantes, ou habituées au discours de « libération des poils ». Peut-être alors que le commencement serait d’évoquer le sujet autour de soi pour faire évoluer les mentalités, même à sa petite échelle.

•Agir !image2
Réagir aux insultes anti-poils, taguer les affiches, faire des tracts (ah ouais là on agit trop!) … Une anecdote d’une héro : « J’avais tagué une pub pro-épilation avec un « mon corps m’appartient, mes poils aussi, JE décide ». Des amies, sans même savoir qui en était l’auteur.rice, m’avaient fait part d’à quel point ça leur avait fait du bien de tomber sur ce graphiti. »

Exemple d’une pub à taguer ….

L’important est surtout de réussir à ne pas en faire une fixette, une maladie, et un rejet de soi-même. Peut-être qu’on devrait apprendre un peu plus à devenir ami avec son corps, plutôt que d’apprendre à lui faire la guerre …

Outils
http://hairypitsclub.tumblr.com/
http://antisexisme.net/
http://lesquestionscomposent.fr/2457-2/
http://www.pinupbio.com/faut-il-sepiler-remise-en-questiondune-
violence-ordinaire/#sthash.9ieDTT0v.dpbs
http://www.madmoizelle.com/

Et autres …

Arrêter de s’épiler est le seul moyen de lutter contre les poils incarnés à tout jamais!

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« Prenez n’importe quel film ou série, dans lequel il serait question de naufragés perdus sur une île déserte… Au bout de plusieurs mois de naufrage, les hommes ont des barbes etles femmes … n’ont rien sous les bras. Tout est normal. Personne ne se pose la question. Le poil féminin n’existe pas en fait. » Illustration ici dans Lost.

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« there is more than one way to be beautiful »

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Patti Smith, style, rock & poils

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Tract téléchargeable & mis en page, servez-vous et distribuez!

tract 66 – recit poilesque!

supplément poils

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Inviolable

Ça part d’un malaise, une histoire « qui aurait pu mal tourner ». J’ai décidé de faire du stop de mon quartier vers le centre-ville. Je suis habituée à faire du stop seule, mais j’habite en Turquie depuis un mois, et je n’en ai jamais fait ici. Vers 6h, la nuit tombe doucement, j’attends un bus, je me dis que je peux aussi tendre mon pouce, au cas où. Une voiture s’arrête, un homme qui semble pressé et impatient, je monte. Dans les embouteillages, il se tourne vers moi, me demande combien c’est, me propose de l’argent. Face à mon refus, il continue sa route, puis il insiste, et face à mon refus il finit par se toucher, à côté de moi. Je sors de la voiture en courant.

Alors là, plusieurs trucs me traversent la tête : quel connard, j’espère qu’il me suit pas, je ferai plus de stop seule en Turquie, au moins maintenant je sais que je peux me sortir de telles situations, c’est qu’une mauvaise expérience, ça va quoi.

Quand je la raconte, je veux la dédramatiser, et souvent on me répond «Eh, ça aurait pu être franchement dangereux pour toi, il aurait pu te violenter, te violer ».

Finalement, on parle ici de communication, ce qui, dans un pays ou un autre est compris comme « j’accepte un acte sexuel », ou ce qui peut faire dire à un violeur « elle l’a cherché, elle était consentante ». En bref, ce qui est admis comme un consentement, qui permet de ne pas demander, clairement, un consentement.

Mais partout, le problème, est le consentement.

En Turquie, faire du stop seul-e la nuit correspond pour certain à un consentement d’un rapport sexuel. Autre part ça pourrait être embrasser, caresser, dormir dans le même appartement, la même chambre, le même lit, se mettre en valeur, être en jupe, ne pas porter de voile, être divorcé-e, proposer de sortir un soir, sourire, regarder dans les yeux, avoir déjà eu une expérience sexuelle, se prostituer, se rencontrer en boîte, danser, être alcoolisé-e, se connaître depuis longtemps, être marié-e, être ensemble depuis quelques années …

Partout, la question est de considérer le consentement du partenaire comme acquis, à partir d’autres facteurs. Et à partir de ces facteurs, de s’octroyer le droit d’exiger un rapport sexuel.

Au fond, qu’est-ce qui fait que je n’aime pas trop être regardée, draguée, reluquée, ni les quolibets dans la rue ou les rapprochements en boîte… c’est la peur du viol, la peur du rapport sexuel non consenti.

Il y a un sentiment d’insécurité, de prise de risque.

C’est aussi que je garde en tête quelque chose de puissant: si un homme veut avoir un rapport sexuel, de force, je ne peux rien faire contre. Derrière ça, il y a l’abondance d’images, d’histoires, de faits divers relatant des viols. Dans les films, les livres, les journaux, les séries policières, les pièces de théâtre, les œuvres d’art … pas si souvent dans une optique de dénonciation, mais plutôt comme la narration d’un fait horrible, une fatalité, une catastrophe personnelle. Et systématiquement, la personne se retrouve victime soumise, ou en fuite. Tout ceci constitue en partie la culture du viol.

Pourquoi n’ai-je pas réagi fermement avec un simple « quoi ?? ça va pas, tu te fous de ma gueule ! », pourquoi ai-je laissé planer un doute, une odeur de bête traquée, de victime d’avance, de renoncement, de fatalité. Pourquoi ai-je laissé planer l’idée que je me sentais incapable de résister, de me défendre, de riposter, d’être forte. Pourquoi ai-je laissé planer l’idée qu’il était possible de me violer. Pour moi comme pour tout-e-s celleux qui ont vécu ce genre de situation, l’idée n’est pas ici de s’en vouloir, mais de chercher à comprendre.

Un bout de réponse m’est venu par la suite :

Trop peu – peut-être même jamais – n’ai-je perçu d’autres images du viol que celle de l’impuissance. Trop peu n’ai-je entendu des histoires de femmes (et d’hommes) ayant réussi à ne pas se faire violer. Dans ces histoires, il n’y a pas non plus d’analyse collective (partage d’expériences ou étude des rapports de domination), d’autres possibles fins d’histoires, d’autres choix qui auraient pu être envisagés (comme dans un théâtre forum[1] par exemple). Et si l’on n’a pas d’exemples, on pense que c’est impossible, ou au moins exceptionnel. On vit dans la peur.

Le viol colonise aussi nos têtes, nous insuffle la peur, il est aussi possible parce qu’on a peur, parce qu’on a l’impression – de par la culture du viol – qu’on est incapable et faible. Parce qu’on se sent déjà coupable – d’avoir pris un risque, d’avoir mis la jupe, d’avoir marché dans la rue la nuit, d’avoir fait du stop. Alors que bien sûr, on ne l’est pas.

Le viol existe aussi sous d’autres formes.

C’est un rapport sexuel sans consentement. Et combien de fois on se force, par amour, amitié, affection, malaise, devoir, peur, pression personnelle, pression sociale… Combien de fois on décide ou on accepte de faire passer son propre malaise après le désir « incontrôlable » de l’autre, consciemment, ou inconsciemment. Combien de fois on pense qu’un rapport sexuel est dû si l’on a déjà envoyé des messages de « consentement ». Et combien de fois on trompe son propre consentement, on le perd, on le feint, on lui ment, on se ment.

Est-ce grave ? Pas nécessairement, mais ça peut créer pas mal de blocage, de mal-être, de rapports difficiles et sans plaisir dans la sexualité et les relations.

En fait j’ai besoin d’autres histoires, d’autres imaginaires, de savoir jusque dans mon inconscient, et que ce soit aussi clair dans la tête de toute personne, que je suis inviolable. En toutes circonstances.

Il y a deux mythes à combattre.

Un mythe collectif, une culture du viol, qui empêche d’agir en prévention : de faire du stop, de sortir tard le soir, de vivre un peu sa vie comme on l’entend, de « prendre des risques » ou au moins « le risque de se faire violer ». Et un mythe personnel qui, lorsque le scénario trop connu par la culture du viol arrive, fait se figer, enferme dans un comportement d’impuissance et empêche de réagir.

 

Alors on a trouvé quelques formules magiques, quelques outils, quelques pistes :

Pour taffer sur le consentement : en parler à tout plein de gens, lire pleins de témoignages, expérimenter, échanger sur des difficultés similaires, ou au contraire en apprendre sur des expériences totalement différentes… Parce que briser le tabou sur la sexualité permettrait à tout le monde de se sentir mieux avec la sienne, et de casser par la même occasion un tas de préjugés, normes, et appréhensions.

Contre la peur du viol, et pour travailler à casser mon mythe personnel, je me suis mise à la self-défense. Il en existe plusieurs formes : verbales, comportementale, physique. En tout cas j’espère acquérir un peu de confiance en moi.

Pour la création d’autres imaginaires : Je raconte cette « mauvaise » expérience en la dédramatisant, en débriefant dessus. J’ai aussi écrit ce texte, le partageant, l’améliorant collectivement. D’autre part, j’aimerais tomber sur d’autres imaginaires fictifs, dans lesquels les femmes sont fortes, se défendent, se déplacent seules sans être inquiétées. Histoire de contrecarrer l’alimentation du mythe collectif de la culture du viol.

Et puis, parce que j’ai eu trop de belles histoires et de belles rencontres, que je refuse de renoncer à cette aventure quotidienne, mais aussi pour combattre l’imaginaire collectif…

Bien sûr, je continue à faire du stop.

Nous écrire, réagir … Rejoindre un groupe d’échanges et de self‐défense féminine à Compiègne (discussions, pratiques, techniques)

-> escargots.solidaires@riseup.net
escargotssolidaires.noblogs.org

[1] Issu de Théâtre de l’Opprimé inventé par Augusto Boal, le Théâtre Forum est un outil d’éducation populaire conçu pour que les spectateurices puissent aussi être acteurices et qu’ielles aient la possibilité d’intervenir sur la scène et de jouer leurs solutions.

Tract téléchargeable ici : tract 65 – Inviolable

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II) « De la valeur marchande de l’UTCéen.ne » Vous êtes le produit [partie 2/2]

1

Quand on rentre à l’UTC, on ne devient pas éudiant.e dans une école d’ingé. Non. On devient UTCéen.ne. La différence, c’est l’identité. Une identité qui nous colle à la peau, qui permet de nous reconnaître, qui porte un certain nombre de valeurs et se doit donc d’être contrôlée.

« Se doit » car, en tant qu’étudiant.e.s, nous ne sommes pas la finalité de l’université mais un moyen de celle-ci. Par cela, je ne dis pas que tous les enseignant.e.s et personnel.le.s de l’UTC nous instrumentalisent. Je pense plutôt au fait qu’on est à un moment ou un autre choisi dans l’objectif de faire fonctionner la structure. Bien entendu, officiellement tout est fait pour nous. D’ailleurs, quand un.e utcéen.ne se fait virer, le jury nous le justifie par le fait que l’UTC n’était peut-être pas fait pour nous et que c’est pour notre bien qu’on nous invite à nous « réorienter ».

De même pour les stages, dont les choix sont limités par l’idéologie de l’université. L’UTC prétend être la plus à même de savoir ce qui est bon pour nous, mais ça ne la dérange pas qu’on fasse des stages consistant à utiliser pendant 6 mois nos compétences en Excel basique ainsi qu’un niveau de maths de 3ème. La seule différence, c’est la structure dans laquelle on veut aller. Si c’est une multinationale, ça passe quel que soit le projet, car il faut bien se faire voir d’elle et que les statistiques sont plus élevées pour qu’elle t’embauche à haut salaire. Certaines branches ont même mis en place une obligation de salaire minimum de 1000 euros en TN10 pour être sûr que tu sois pas dans un petit labo ou dans une asso.

Comme tout produit, on se fait acheter. Le prix est payable à la fin de chaque mois, ce sont les fameux «  39,7k€ hors prime en début de carrière ». Ceci est dit dans la page de présentation de l’UTC et à tous les amphis de bienvenue. Et pour être compétitif et avoir des classes sociales de plus en plus aisées, il faut augmenter ce prix d’achat. Hameçonné.e.s d’abord, vous devenez ensuite appats, car c’est sur la base de vos statistiques que seront recruté.e.s les futur.e.s étudiant.e.s.

Reproduction des classes sociales. « La démocratisation passe par un rattrapage des retards culturels et non par une diminution du niveau des diplômes » répondit Guy Danielou, président fondateur de l’UTC, à la question mettant en lumière le nombre inférieur de boursier à la moyenne nationale. C’est par cet esprit que la sélection sur dossier permet d’avoir aujourd’hui 2 fois moins de boursiers qu’au niveau national.

C’est admis, on prend les classes sociales les plus aisées. L’argument de G. Danielou est biaisé. Les fil.le.s d’entrepreneur.euses n’intéressent pas l’UTC que pour leur dossier scolaire. De même qu’obtenir des connaissances et des compétences ne constitue pas le (seul) but pour aller à l’UTC.

En effet, l’objectif visé par l’entrée dans une école telle que l’UTC est aussi symbolique : le diplôme décerné à la sortie a une bonne réputation dans les grandes entreprises et les médias entreprenariaux, les mêmes médias qui sont lus par une population de cadres (Usine Nouvelle, Chalenges, l’Etudiant, etc.). En entrant à l’UTC, on valide l’importance de la notoriété entreprenariale dans le choix de notre éducation.

Mais surtout, le but que le mode de sélection de l’UTC sert parfaitement, c’est la constitution d’un réseau social favorable pour les pistons. Une concentration de fil.le.s de riches est un facteur d’enrichissement de ce réseau, ça n’est pas pour rien qu’on demande la catégorie socio-professionnelle dans les fiches d’inscription.

Docilité et contrôle de l’identité utcéenne :

Le monde du travail recherche des étudiant.e.s qui soient dociles et acceptent les règles de l’entreprise, et ça c’est typique d’une école d’ingé : « L’avantage du modèle français réside surtout dans les CPGE (Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles) qui apprennent à nos cadres français à travailler très intensivement, pendant très longtemps, qui commencent tôt le matin et finissent plus tard que tout le monde ».2

Pour assurer cette docilité, il faut contrôler l’identité utcéenne. Cela passe par la désignation de ce qu’est le.a bon.ne citoyen.ne. Cellui-ci se doit de s’investir dans les assos, mais pas n’importe lesquelles.

« […] nous sommes en droit de refuser la présence d’intervenants extérieurs compte tenu des idées ou des opinions qu’ils véhiculent et qui sont incompatibles avec les valeurs et les principes de fonctionnement de l’UTC »3

Un employé de l’UTC pour l’ingérence associative : le vice président

Sélectionné pour son CV, M Huglo a surtout brillé à son poste pour l’exceptionnelle ingérence dont il a su faire preuve au sein des associations de l’UTC. Et il est payé très cher pour cela ! Du côté du personnel de l’UTC, personne ne sait à quoi sert son poste. Du côté du mileu associatif étudiant, tout le monde en parle.

Son rôle ?

– Vérifier que les assos respectent les « valeurs de l’UTC » (vérifier qu’il n’y ait pas de syndicat étudiant, qu’il n’y ait pas de contestation du libéralisme…)

– Contraindre les associations à une organisation hiérarchique et les pousser à avoir un fonctionnement d’entreprise (au regard du fonctionnement des bureaux actuels des pôles et du BDE, ça marche très bien).
– Pousser à créer un maximum de liens entre les assos du BDE et les multinationales ou le MEDEF.
– Contrôler les communications externes à l’UTC

– Pousser à avoir des représentant.e.s « respectables » dans les bureaux (Cf. démissions passées de TUC)

A son palmarès depuis son arrivée en 2011, on peut noter entre autres : des censures telles que des débats d’Espace Citoyen ; une pression pour empêcher la création de la FEC (Fédération des Etudiants Compiégnois) ; des efforts permanents pour instaurer une méfiance vis-à-vis de toute personne extérieure à l’UTC… Militariste jusqu’aux ongles, il a fait créer Devoir de Mémoire et il a tenté d’imposer la journée des réservistes à Secourut’s (avril 2014) ; il a utilisé les emplois étudiants pour choisir l’orientation de certaines assos comme TUC, il utilise les assos pour gérer ses projets personnels (tentative d’imposer au PSEC son projet de charte de la citoyenneté, d’inviter un ancien militaire pour faire une conférence ou son projet d’accompagnement de « cadres précaires » : RESSORT). Egalement ultra libéral, il oriente des assos vers le MEDEF (comme le GENEPI, l’USEC) ; homophobe il a tenté de faire interdire l’association LGBT Outcoming entre 2011 et 2013 (Selon ses propres dire : « Si une asso commence à parler homosexualité avec la bannière utc, il faut tout autoriser. ») avant qu’un membre de l’association ne lui mettent le code pénal sous le nez et qu’A. Storck intervienne pour qu’il arrête ; il a exigé d’un étudiant qu’il retire son drapeau palestinien à sa fenêtre de Roberval (Roberval n’appartient pas à l’UTC) ; en liaison avec la police municipale, il en a convoqué d’autres parce qu’ielles avaient fait trop de bruit chez elleux…

La liste est longue et parle d’elle-même.

Ses pratiques. Très proche de la mairie, il peut obtenir aux associations qu’il souhaite favoriser une grande réactivité de l’administration de la ville, quand d’autres n’auront jamais de réponse. En devenant indispensable et omniprésent (en copie pendant plusieurs années des mails des assos), il peut choisir les projets qui sont dignes d’exister ou non, sans jamais avoir à laisser lui-même de trace écrite ! Comme il l’a dit à Outcoming, après avoir appelé l’infirmière de l’UTC pour que celle-ci n’organise pas la journée sidaction avec cette association, « Vous m’avez envoyé un mail. Je ne veux surtout pas répondre par mail, car je ne veux pas qu’un jour on le ressorte en disant ça c’est scandaleux. »

Loin de moi l’idée de dire que ces ingérences ne sont reliées qu’à lui. Ces pratiques existaient avant, et ne dépendent pas que de lui. Son rôle envers les assos est porté globalement par l’administration de l’UTC.

Je m’étais promis de faire un tract au sujet de l’UTC avant de partir du monde compiègnois. J’avais des choses à dire, ne pas rester soumis à cette loi et ce fonctionnement. Un tract personnel qui appelle à s’organiser ?

Le passage par l’UTC constitue, pour moi, une portion de « ligne de vie » (lire et relire G. Deleuze pour celleux qui aiment intellectualiser), c’est-à-dire un moment sur un chemin de la facilité, que celui-ci soit tracé par une « aisance » scolaire ou socialement construite. On me disait que c’était bien de « s’ouvrir des portes », mais je me rendais compte à quel point cette expression a peu de sens : un diplôme ferme probablement beaucoup plus de portes par le formatage qui s’opère avant et pendant son obtention qu’il n’en ouvrira jamais dans le champ très réduit du marché du travail. Les seules portes qui s’ouvrent sont celles qu’on enfonce, sinon ça reste un chemin.

Un démissionnaire de l’UTC

 

1 « Un cadre informaticien qui ne met pas à jour ses connaissances tous les 3 à 5 ans est sujet à un vieillissement prématuré et à une obsolescence de sa valeur marchande. » Information UTC, brochure annuelle 1990, page « Institut de Management de l’Information »

2 Responsable formation du MEDEF lors du congrès de la Commission des Titres d’Ingénieur de 2014.

3 F. Huglo, en réponse à l’organisation d’un débat par le PSEC.

Tract téléchargeable par ici: Tract 64 de la valeur marchande de l’UTCéen partie 2

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Libérez les révolté.e.s enfermé.e.s dans leurs costards

Un affichage de banderolle sur benjamin franklin pour dénoncer le formatage utcéen et le paraitre des cadres, des chefs.

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I) L’UTC, « le banc d’essai du patronat »1.[partie 1/2]

La conception de l’UTC (à partir de 1968) est fortement empreinte du gaullisme : imposer le développement technologique et industriel afin de « vaincre par une puissance mécanique supérieure »2. En 1971, sous la présidence de Georges Pompidou, le gouvernement fait voter une loi permettant d’avoir des établissements expérimentaux dérogatoires aux autres universités. Un an après, l’UTC était né.

Cette université a été conçue par une équipe d’universitaires, de PDG de multinationales, d’anciens gradés de l’armée, de membres du MEDEF, d’élus, etc. La réflexion est lancée pour concevoir une université autoritaire et économiquement libérale.

« François Peccoud [Ancien président de l’UTC] dit qu’il tient les chefs de département en laisse : les départements ont une autonomie financière faible. »3

L’UTC est construit de manière très hiérarchique : un président d’université qui a beaucoup de pouvoir, à la fois vitrine et décisionnaire dans de nombreuses instances de l’UTC. Si logiquement un contrôle par le CA existe, dans les faits le président actuel ne se dérange pas pour porter ses positionnements politiques au nom de l’UTC ou pour annoncer des choses pour lesquelles il n’est pas mandaté, étant donné qu’aucun contre-pouvoir n’existe.

Le Conseil d’Administration… la moitié des membres sont nommé.e.s et non élu.e.s. On accepte qu’une université soit conçue et gérée par des membres de l’industrie. Le président du CA vient du monde des requins, et cela a des conséquences sur les liens que construient l’UTC. L’ancien président du CA venait de chez Renaud. L’actuel, Thierry Morrin, était président directeur général de Valéo avant de devenir membre du CA d’Arkema et président du CA de l’Institut national de la propriété industrielle.

Cette présence des entreprises a des conséquences sur la politique de l’UTC. En effet, on peut observer les impacts des liens resserrés de l’UTC avec les entreprises sur différents plans : la recherche (orientée vers le brevetage par exemple), le financement, « l’approvisionnement » d’un certain nombre d’ingénieur.es stagiaires (« les petites annonces » hebdomadaires des multinationales, la pression poussant à choisir des stages dans de grosses entreprises), les programmes pédagogiques orientés pour ses financeur.euse.s (FQ01 étant l’exemple parfait), etc.

« Elle [La chaire d’enseignement et de recherche] permet à un industriel de confier à l’université la formation spécifique à ses besoins et ainsi d’externaliser sa formation professionnelle. Elle permet en retour à l’université d’avoir un supplément de ressources pour adapter sa formation à des besoins spécifiques exprimés légitimement par une profession dépassant les critères de formation habituelle. »4

Apprendre la technologie pour développer le système capitaliste

On cherche des solutions technologiques à des problèmes sociaux générés par le système. Et voilà qu’on se met à défendre la société capitaliste, en utilisant sa logique.

Un incinérateur pollue ? On trouve des nouveaux filtres ou on transforme génétiquement des peupliers pour réabsorber la pollution. Cela permettra d’avoir de plus gros incinérateurs pour « revaloriser » (= brûler) encore plus de déchets, et avoir d’autant plus de pollution.

Les travailleur.euses ne sont pas bien sur leur lieu de travail ? Pas de remise en question de l’enrichissement des actionnaires ou du « travailler plus pour travailler plus ». Une remise en cause sociale demanderait de changer notre rapport au salariat, les cadences, le temps de travail, etc. mais nous, nous sommes éduqué.e.s à optimiser la chaîne. Résultat : nous augmentons le profit de l’entreprise en ayant bonne conscience car nous avons trouvé une chaise plus adaptée pour le dos de l’ouvrier-ère.

La neutralité.

Comme nos solutions sont d’ordre technologique, ce que nous faisons n’aurait pas de conséquences politiques, nous sommes neutres. Cette croyance nous permet de subordonner d’autres individu.e.s, de travailler dans la grande industrie, le nucléaire, les OGM, l’armée, et nous fait accepter que nos plus proches ami.es contribuent à cela.

La communication de l’UTC alimente le mythe de la neutralité, car tout se vaut en termes « d’innovation », qui mènerait irrémédiablement vers un progrès, vers un mieux. Ainsi, l’UTC se vante sans soucis d’avoir contribué au développement de machines plus productives pour Continental, connu dans le compiégnois pour les licenciements de 1100 employé.e.s, ou encore que le labo Heudiasyc de l’UTC travaille à faire des drones mortifères pour la Direction Générale des Armées.

L’idéologie de la conquête.

L’UTC doit être la meilleure. « Notre taille actuelle est légèrement sous-critique si on veut exister à l’échelle européenne, dans une compétition mondiale. […] il faudrait que l’UTC passe à 8000 étudiants. »5

Et pour remplir ces objectifs, tous les moyens sont bons.

Comme a dit A. Storck, « il nous faudrait de 5 à 10 millions d’euros de plus pour pouvoir progresser comme il le faudrait. » Pour lui, c’est en partie aux étudiant.e.s étranger.ère.s de payer cette conquête « Je milite pour le projet de la Conférence des Grandes écoles de faire payer le coût complet de leur scolarité, soit entre 12 et 13 000 euros par an, aux étudiants étrangers  »6. En plus d’être xénophobe (cette proposition stigmatisant les étranger-ères), ces propositions poussent à la précarisation de la condition étudiante, et rendent inaccessibles les études pour un grand nombre d’étudiant.e.s.

Le rêve d’A. Storck est d’augmenter fortement les frais d’inscription (dans un premier temps les doubler), pour tou.te.s les étudiant.e.s. L’UTC ayant toujours fixé ses frais d’inscription au niveau du plafond imposé par l’État français, celui-ci fait du lobbying afin de l’augmenter. D’ailleurs, d’après A. Storck, si un.e étudiant.e devait restituer 3000 euros à l’UTC, ça ne constituerait pas un endettement, celui-ci envisage même de le/la faire travailler : « Une convention entre la collectivité et l’UTC préciserait les tâches à faire par cet étudiant et la contrepartie versée à l’UTC. »7

On peut mettre de côté les UV d’éthique. Le fait que l’UTC fasse des choix structurels en se basant sur une logique plus compétitive qu’éducative n’est plus à démontrer : entrée dans le PRES Sorbonne en 2010 (« objectif : rivaliser avec les meilleures universités du monde. »)8, montage des pôles de compétitivité9, rattachement de l’UTC à la Sorbonne…

Cela faisait longtemps que l’envie me titillait d’écrire sur l’UTC. Non pas pour dire que les autres facs/universités sont meilleures. Ces établissements restent dans la logique de mise en compétition et de reproduction des classes sociales. Non pas non plus que tout est pourri, y ayant évolué j’ai dans l’idée qu’une organisation est possible pour s’opposer à ce fonctionnement économiquement libéral et autoritaire. Des valeurs d’autogestion, d’éducation populaire, d’auto-formation, de communisme libertaire et décroissant blabla. Écrit dans un tract, ça reste des mots creux, à nous de leur donner une existence si on ne veut pas être des produits de l’UTC (to be continued).

 

1 Titré le Nouvel Observateur de novembre 1972

2Compiègne, 1972 : L’université de technologie est-elle enfant de 1968 ? Lequin Yves-Claude et Lamard Pierre. – Fondation Charles de Gaulle, 8 février 2012.

3Interview de François Peccoud par le Monde le 13 avril 2004

4Portail de l’UTC, rubrique « information partenariat » consulté en décembre 2012

5 Alain Storck ; Article du courrier picard de Pierrig Guennec publié le 04/07/2013

6 A. Storck, 26 juin 2013, par Olivier Rollot

7Alain Storck, UTC : « L’exigence sur le lien entre technologie et humain, -cette intégration forte, cette double caractéristique-, ne court pas les rues ! « , le nouvel économiste, Patrick Arnoux 17/12/2015

8(Investissements d’avenir :L’UTC et le PRES Sorbonne Université, lauréats de l’Idex 2 14 février 2012), webintern UTC

9Le pôle “Industries et agro-ressources” travaille à mettre de la nourriture dans nos anciens réservoirs à essence (« bio-raffinerie ») pour « des finalités industrielles, innovantes et compétitives » . Webintern, rubrique «partenariat et innovation », pôles de compétitivité, décembre 2013 . Pôle dont fait parti l’UTC de 247 millions d’euros, 70 millions venant de l’Etat, le reste des multinationales.

Tract téléchargeable mis en page: tract 64 sur l’UTC P1

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Supermarchés, arrêtez de nous voler !

Supermarchés, arrêtez de nous voler !

Parce que le masculin ne prime pas sur le féminin, nous avons féminisé ce texte.

Au début des supermarchés (premier créé en France en 1931), ce sont des centaines d’enseignes qui se développent. Aujourd’hui six enseignes contrôles 85% du marché. Logique simple du capitalisme : l’accumulation d’argent permet de racheter les concurrents, de s’acheter une foule de lobbyistes pour faire changer les lois en leur faveur (avantages fiscaux pour leur installation, avantages urbanistiques pour agrandir les places de parking, les routes), ainsi qu’une batterie d’avocat.e.s afin de contourner les lois. Ces stratégies permettent d’accumuler plus d’argent, la boucle est bouclée.

Ils usent de leur monopole pour étouffer toute autre forme d’activités. Nous sommes devenu.e.s dépendant.e.s de ces structures qui centralisent toutes les ventes. Évidemment, tout cela n’est possible qu’au moyen d’indécents budgets (le budget publicitaire mondial représente 500 milliards de dollars par an) utilisés pour nous pousser à la consommation. Voilà que nous ne sommes plus des individu.e.s mais des clients.e.s. Le capitalisme s’applique à nous nier pour fabriquer les consommateur.ices dont il a besoin.

Les supermarchés usent de publicitaires pour être omniprésents dans notre vie quotidienne : dans la rue, les boîtes aux lettres, sur les télévisions, sur internet, à la radio. Un monde artificiel nous est présenté. Un monde où les rayons sont normés, étiquetés, où chaque produit n’est qu’une copie d’un autre, où tout espace est conçu pour vendre plus efficacement.

L’efficacité… Un terme qui cache beaucoup de choses. Les producteur-ices sous payé.e.s, les ressources qui s’épuisent, des caissier-ières payé.e.s au SMIC, des sous-traitant.e.s de l’autre bout du monde travaillant 10h par jour, des salarié.e.s exploité.e.s au maximum avant d’être jeté.e.s. Pour ce qui est de jeter, les supermarchés remplissent leurs poubelles tous les jours de déchets notamment alimentaires. Car c’est bien là la clef de voûte de leur fonctionnement, les pertes font partie du marketing. Pour bien vendre, il faut des surplus, il faut du calibrage, des longs transports où une partie de la marchandise se perd.

Et ces poubelles sont protégées, c’est leur liberté d’empêcher celleux qui ne peuvent ou ne veulent pas participer à ce système de toucher à des produits destinés à l’incinérateur. Toutes ces denrées sciemment écartées du marché, ce sont les fruits de nos énergies humaines, animales et terrestres. La logique des supermarchés nous contraint à la fois à produire plus, mais aussi nous prive de ce que nous produisons. Ceci s’appelle du vol.

Aux commandes, ce sont les actionnaires et les directeur-ices des supermarchés. Elleux peuvent se financer plusieurs dizaines voir centaines de fois ce qu’illes concèdent comme salaire à leurs employé.e.s. Pour arriver à cela, illes sont passé.e.s. maîtres-ses dans l’art de payer là où ça les arrange : paradis fiscaux pour les comptes bancaires, fausses factures, baisse des salaires, etc.

Nous refusons cet état de fait. Nous appelons au boycott des supermarchés et à un retour à un système de production et de distribution raisonné, c’est-à-dire, local, respectueux des individus humains et non humain et de l’environnement. Un système choisi conjointement par les consommateurices et les producteurices, épuré des intermédiaires dont la logique marchande nuit à la démocratie.

PDF téléchargeable ici !

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COMUTEC Bienvenue en TechnoCRADie

On sait que les entreprises ont pour mot d’ordre d’être économiquement rentables, on a même des UV entièrement dédiées à cela pour celleux qui ne l’ont pas compris (FQ01, GE37, etc.).

On sait que toutes ces entreprises utilisent les failles mondiales pour bénéficier de défiscalisations, pour exploiter au mieux, et tant pis pour les conséquences sociales et environnementales.

On accepte que Wal Mart, premier employeur du Mexique, ait dépensé officiellement 24 millions d’euros de pots-de-vin en 2011 dans ce même pays1. On fait semblant de s’étonner lorsqu’on apprend que Coca-Cola a fait assassiner 11 travailleurs syndiqués2, et que Vinci se repose sur les autorités locales pour incarcérer, torturer, menacer et assassiner les opposants au projet d’autoroute à Khimki en Russie3.

Tout est business : ArcelorMittal a gagné 1.1 milliard d’euros de crédits carbone en spéculant dessus4 entre 2005 et 2010. Ces entreprises multimilliardaires mettent donc un budget important en lobbying5 pour supprimer les droits sociaux, ou s’implantent directement là où ils sont les plus faibles. « Il faut que les entreprises soient libres d’embaucher quand elles ont du travail et de débaucher quand elles n’en ont pas » comme dirait Serge Dassault. C’est le même patron qui, à propos des ventes d’armes de son entreprise au régime de Kadhafi, avait déclaré sur Public Sénat : « Quand on vend du matériel, c’est pour que les clients s’en servent ». Dassault gagne sur tous les tableaux : la Lybie achète ses armes, la France achète aussi ses armes pour attaquer la Lybie.

La très faible transparence dans les activités des multinationales n’est pas pour rassurer. Areva a décroché des contrats aux clauses tenues secrètes en Centrafrique, au Niger, en République Démocratique du Congo, au Sénégal ou encore en Namibie : un beau cocktail pour la Françafrique. Pour chaque tonne de minerai d’uranium utilisable, il y a jusqu’à 2000 tonnes de déblai radioactif rejeté dans l’environnement. Le radon, gaz radioactif libéré lors de l’extraction, impacte la santé des mineurs-euses et des habitant.e.s autour des sites. Au Niger, 5ème pays producteur d’uranium, les conséquences sont et seront sans communes mesures, à l’image de la mine aujourd’hui fermée de Wismut en Allemagne : « Pas moins de 7000 cas de cancer du poumon ont été attestés et on estime à plus de 20 000 les victimes reconnues de l’extraction de l’uranium. »6

« Ces multinationales amènent un bien pour les gens ou les pays. »

Une vision défensive du capitalisme est d’affirmer que les multinationales produisent des richesses. Mais qui en bénéficie ? Que ce soit à l’échelle d’une ville, d’un pays ou du monde, ses répartitions sont clairement inégales7. En attendant, ces multinationales accélèrent l’accaparement de terres, des ressources naturelles et des forces de travail.

« Vous ne voyez que le négatif. Moi je travaille à Thalès, mais je ne fais pas d’armement. »

Évidement, ces entreprises ne font pas que ça. C’est le principe même d’une multinationale, être partout. Et les avantages sont nombreux :

– Si une activité n’est pas lucrative, d’autres le seront

– Chaque activité est un élément de marketing à part entière

Green et social-washing : Orange ne fait pas uniquement de grasses affaires avec les colonies israéliennes, mais finance aussi des pièces de théâtre. Cela lui permet de soigner son image. De même, la société Arkema, qui milite pour la fracture hydraulique en France (extraction ultra-polluante des gaz de schiste), s’occupe en même temps de la dépollution en PCB du Rhône

– Contrôle social : les multinationales étant omniprésentes, elles deviennent indispensables.

La société générale, partenaire des assos de l’UTC, finance entre autre la plus grande mine d’or et de cuivre gérée par Freeport McMoran, qui déverse chaque jour 230 000 tonnes de déchets pollués dans les rivières (Indonésie).

Pour faire passer ses messages, un budget publicitaire monstrueux est employé. Mondialement, entre 300 et 500 milliards de dollars sont dépensés en publicité chaque année.8

« Il y a aussi des PME à COMUTEC. »

Moins de 500 employés… Elles ont pourtant déjà de gros chiffres d’affaires, mêmes si cela paraît dérisoire face à d’autres. Pire, les PME invitées sont pour la plupart des sous-traitants de ces multinationales (bureau d’études par exemple), donc de simples externalisations. Cela devient même un trophée de chasse que d’annoncer fièrement le nombre des membres du CRAD40 pour lesquelles les PME ont travaillé (cf. fiche de ColibriWithUs). De plus, pour pouvoir travailler avec les multinationales, ces structures doivent dépenser énormément d’argent dans le paraître (les grandes tours à la mode qui abritent bureaux et services administratifs font partie de ce folklore). C’est le fameux « tenue correcte exigée » de COMUTEC, sauf que pour une entreprise elle coûte des millions d’euros.

On pourrait faire un dossier sur chacune des 91 entités invitées ce jeudi, mélange d’armement, de surveillance, d’exploitation humaine et animale, d’accaparement des terres, des ressources minières, de l’eau et de l’air, de spéculation, de brevetage… COMUTEC n’est qu’une petite goutte d’eau dans ce système, celle qui les invite et les met en valeur.

De plus, ces multinationales sont omniprésentes à l’UTC dans les décisions en termes de cours, budget et recherche. Il ne faut pas oublier que le président du CA de l’UTC, Thierry Morin, est un membre du groupe de chimie Arkema. Nous nous opposons à ce genre de conflit d’intérêts comme à toute présence des entreprises dans l’espace universitaire (cours, instances administratives, affiches, les stands, etc.).

La main d’Adam Smith n’est pas si invisible que cela : tant que le diktat économique existera, les exploiteurs-ses s’engouffreront toujours dans les brèches et utiliseront les lois pour faire vivre ces pratiques. Cette analyse serait fataliste ? Bien sûr que non, les entreprises se reposent sur l’obéissance de la population pour agir. Le fatalisme est donc de se dire que nous sommes obligé.e.s de passer par ces structures.

La désobéissance est possible. Pour vos stages, il existe des listes alternatives de structures qui circulent en fonction des branches. Renseignez-vous, complétez-les, faites les vivre ! Quoi qu’il en soit, nous remercions COMUTEC d’avoir listé les entreprises les plus destructrices, et nous remercions aussi l’UTC de nous pousser dans les bras de celles-ci.

La résistance est possible. C’est elle qui permet de contrer les projets nocifs à travers le monde. A l’instar de la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : 40 ans d’opposition et de construction d’alternatives dont les voix résonnent comme emblème contre toutes les multinationales : « Vinci, dégage ! Résistance et saboCage ! »

1 L’irrésistible ascension de Wal-Mart au Mexique entachée par des pots-de-vin, Le Monde, 2012, S. Cypel

2 Violations des droits humains commises par Coca Cola en Colombie, 26 juin 2014, Médiapart

3 KHIMKI : un 14 juillet contre les petits soldats russes de Vinci, blog du collectif contre l’aéroport de NDDL

4 Quand ArcelorMittal gagne de l’argent en mettant en sommeil ses aciéries, Le Monde, 26/04/2012

5 Un exemple des 20 entreprises françaises les plus actives dans le lobbying à Washington : Élections aux États-Unis : quand des champions du CAC 40 financent des extrémistes, Bastamag

6 Enquête : Areva en Afrique ou la loi de la jungle, Eva Lacoste, 2012/07/04

7 Le bénéfice annuel d’Areva est d’environ 770 millions d’euros, le budget du Niger est de 320 millions

8Manifeste contre la publicité, résistance à l’agression publicitaire

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Solidarité avec le peuple palestinien !

Quand le massacre d’un peuple sert des intérêts économiques

Parler de défense de l’État israélien ou encore de guerre contre les terroristes du Hamas est une escroquerie. Outre le fait que le rapport de force est clairement inégal, Israël mène un combat total et impérialiste contre la Palestine. Cette position est d’ailleurs pleinement assumée lorsque Ayelet Shaked, issue du parti d’extrême-droite israélien, est nommée ministre de la justice le 6 mai dernier alors qu’un an avant, elle déclarait : « tout le peuple palestinien est notre ennemi ». 1

Pendant des dizaines d’années, la vie des palestinien.ne.s a été rythmée par l’expropriation de leurs terres, leur expulsion et la destruction de nombreux villages. Aujourd’hui, c’est au quotidien que l’occupation israélienne les opprime, comme à l’intérieur de la bande de Gaza : blocus paralysant le déplacement des personnes et des marchandises, privation d’eau potable et d’électricité, entrave au fonctionnement d’installations de traitement des eaux et des déchets, arrestations, opérations militaires meurtrières, etc.

carte palestine israel
Évolution de la Palestine de 1946 à 2005

La Palestine sert aussi de grand laboratoire pour expérimenter les nouvelles technologies répressives et sécuritaires. Des dispositifs de contrôle et de répression, des drones et des avions F16 sont testés en conditions réelles sur les palestinien.ne.s afin d’être revendus dans le monde entier. Après chaque attaque israélienne sur la bande de gaza, la production et l’exportation d’armes israéliennes connaît un boom. En 2009, après l’opération « Plomb durci » (1400 victimes palestiniennes), les ventes israéliennes sont passées de 2 à 6 milliards de dollars par an. 2

Outre les entreprises privées, les universités israéliennes s’associent aussi à la répression. C’est le cas par exemple de l’université Technion de Haïfa qui a développé le bulldozer « Caterpillar D9 » utilisé par l’armée dans sa politique de démolition massive des maisons palestiniennes.

Boycott ou antisémitisme ? Utiliser l’amalgame pour renforcer la confusion

Sans vouloir réduire les enjeux géopolitiques à cela, les intérêts économiques sont nombreux derrière ce conflit, constituant un facteur important du refus d’Israël d’arrêter la colonisation et de reconnaître un État palestinien.

Des nombreuses résistances s’organisent. Parmi celles-ci, la campagne internationale BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanction). En s’inspirant de la campagne de boycott de l’apartheid d’Afrique du Sud, elle consiste à boycotter les produits issus d’Israël 3, de pratiquer un boycott sportif, culturel et universitaire ainsi que de faire pression pour l’arrêt de la collaboration des entreprises étrangères avec cet État criminel.

Alors que la campagne BDS ne cible pas les juifs mais l’État d’Israël et qu’elle s’inscrit dans une lutte antiraciste, d’importantes pressions ont lieu pour associer cette campagne à de l’antisémitisme. En France, des répressions ont eu lieu contre cette campagne et contre les autres formes de résistances 4.

Les gouvernements français successifs ont voulu cultiver l’image d’une neutralité dans leur relation par rapport à cette colonisation, les rendant à minima complices des nombreuses violations des accords internationaux par l’État d’Israël.

Derrière ce masque de neutralité, le gouvernement français maintient les accords commerciaux. N’oublions pas que cette colonisation ne pourrait avoir lieu sans la participation active (armement de l’Israël, collaborations commerciales, etc) des États appartenant à l’OTAN.

Abattons le capitalisme, le racisme et toutes les oppressions !

Liberté pour le peuple palestinien !

 

1 Autre déclaration : « Israël devrait déclarer la guerre à l’ensemble du peuple palestinien, ce qui inclut leurs personnes âgées et leurs femmes, leurs villes et leurs villages, leurs biens et leurs infrastructures. »…

2 Voir la brochure très complète « Boycott, l’irrésistible ascension. BDS, mode d’emploi »

3 Liste des produits en provenance d’Israël: bdsfrance.org. Parmi les entreprises profitant de cette colonisation : l’Oréal, Orange, Alstom, Dexia, etc.

4 Pressions policières, interdiction de manifester lors des massacres de l’été 2014, procès voire condamnation, etc.

 

Tract à télécharger Tract 61 Solidarité avec le peuple palestinien

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« A cheval sur les frontières, je vais d’ici je vais de là, Ces cicatrices guerrières, je les traverse sans visage. »

MIG « Antipodes »

C’est l’histoire d’une migration. Insouciante, destructrice, massive.
On migre. Loin et exotique, si possible. On migre pour l’Unique, l’Incroyable, l’Extraordinaire. S’Ils ne sont pas au rendez-vous, on les pourchasse désespérément. Que racontera-t-on sinon ? …
Une masse, espérant ardemment l’inattendu. Ayant payé pour ça. Regardant le monde au travers du même objectif. Parsemant les bruits de déclenchement des appareils tout autour du globe. Tournant le dos à la masse, parfois, se disant qu’on n’en est pas.
Une migration d’un milliard de personnes. Une foule de migrant.e.s, couleur blanc, jaune, brun, roux … Battant les sentiers pas encore battus, transformant les villes Authentiques et Extraordinaires sur son passage, faisant pousser hôtels, offices, agences, aéroports… Et rendant joyeusement Possible et Accessible, avec ou sans visa, l’Aventure Extraordinaire.

C’est l’histoire de ma migration. Insouciante, légère, facile.
C’est une traversée de l’Europe. Une diagonale : départ de Paris, objectif Turquie. Un passeport ? Boah, une carte d’identité suffit non ? Oui, elle suffit, tant qu’elle est française. Un peu de peur au ventre, mais franchement, que peut-il m’arriver ?
C’est une migration à une vitesse intermédiaire, et aléatoire : en stop. On permet ainsi les coups de main, ces dons qui nouent certains liens entre les gens, qui rendent aux « merci » leur sincérité… qui nous font nous échapper de l’Indépendant et Individuel quotidien.
Une migration pour se dépasser, pour rire, sortir de sa si petite « bulle sociale », aller à la rencontre de, enfin tenter quoi… Essayer de provoquer l’aventure dans nos vies si cadrées et sécurisées, l’imprévu, même si on se retrouve à prévoir, souvent.
Quelques fois, les étincelles qui jaillissent provoquent quelques feux de joie, sincères et inspirants. Quelques fois, la rencontre est belle et en dehors de tout calcul. Quelques fois, la beauté coupe le souffle. Quelques fois, la solitude est lourde. Et quelques fois, on en est aussi, de cette foule, honteux-se.
Pour la première fois, les frontières sont des lignes que je ressens physiquement. Souvent à traverser à pied, puisque zones de non-stop.
Pour la première fois, les frontières frappent aussi l’esprit. Cicatrices guerrières pour lesquelles les peuples s’entretuèrent. Guerres civiles pour en tracer de nouvelles, bien délimiter nos différences. Et provoquer des migrations.

C’est l’histoire d’une autre migration. Soucieuse désespérée, médiatisée.
Provoquant sur son passage, simultanément, étrangement, une profonde empathie, et un profond rejet. Effectuant la même diagonale que moi. Mais dans le mauvais sens, ou plutôt avec la mauvaise carte d’identité, et la « mauvaise » raison de migrer.
Et cette fois les frontières deviennent des barrages hérissés de barbelés. Infranchissables.
Et cette fois, les mers deviennent des cimetières sans tombe.
Et cette fois, le stop est interdit et puni en Hongrie.
Cette fois, une journaliste frappe les migrant.e.s à la frontière hongroise.

C’est l’histoire d’une comparaison. Effroyable.
Être né.e du bon ou du mauvais côté de l’Europe. Du bon ou du mauvais côté de la frontière. Avoir le droit ou non de les traverser, toutes deux, avec insouciance. Ou plutôt, avoir le droit à l’insouciance, ou ne pas avoir le droit à la vie. Être appelé.e.s « migrant.e.s » ou « voyageurs-euses ».
On ne se rend jamais assez compte de ce qu’est la liberté de mouvement. Cette petite chose qui fait qu’on a le droit d’aller partout, ou bien de n’aller nulle part.
C’est cette inégalité que je me prends en pleine face, continuant ma route, un peu moins insouciante.
A l’ère où les biens, les marchandises, les flux d’informations et d’argent, et les humains des pays occidentaux ne connaissent plus de frontières, 2/3 de la population mondiale ne peut circuler librement, et accéder à ce droit universel. 1

A part ça …

– Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (IMI), plus de 350000 personnes migrantes ont traversé la Méditerranée de janvier à septembre 2015 et plus de 2643 sont mortes en mer après avoir tenté de rallier l’Europe.
– Seulement 1 million des 6 millions de personnes réfugiées sont considérées comme tels par l’ONU (avec le statut officiel).
– Les migrations transfrontalières sont souvent dictées par les grandes inégalités de part et d’autre de frontières, par le différentiel qui existe entre le niveau de vie de son pays d’origine et celui de son lieu de destination, par les grandes fractures économiques, démographiques et politiques du monde. Elles permettent en réalité de réduire ces fractures.
– La fermeture des frontières et la répression des personnes migrantes est un choix politique qui à déjà coûté 1,6 milliard d’euros aux contribuables du continent européen depuis 2000 selon The Migrant Files.
– Plus on renforce la politique sécuritaire des frontières, et plus on développe l’économie de passage. Plus on ferme physiquement les frontières, et plus de nouvelles brèches sont ouvertes : il est illusoire de tenter de faire la guerre contre les migrations « illégales ».
– Les personnes migrantes correspondent au total à 3,2% de la population mondiale, et le fameux « afflux massif » de « migrant.e.s » en Europe moins de 0,4% de la population européenne. Selon le politologue François Gemenne, « dans tous les cas, une ouverture globale des frontières ne conduirait pas à une explosion des arrivées en Europe ».
– Selon de nombreux-ses chercheurs-euses et sociologues , une ouverture des frontières permettrait une plus grande circulation migratoire. C’est-à-dire qu’il y aurait plus de situations d’allers-retours et donc moins d’installations définitives souvent dans des conditions précaires. Cela permettrait d’empêcher que de nombreuses personnes meurent lors des migrations orchestrées par des passeurs-euses. Cela impliquerait aussi de cesser d’enfermer les personnes migrantes « illégales ».

« Fous moi donc au placard tes instincts patriotiques. Tu ne dois qu’au hasard d’être né dans cette clinique.
Le français moyen n’est pas un français de pur souche
On est tous venus de loin, on est tous des fils de manouche »
Babylon Circus, « France Ta mère »

barbeléoiseau

Voir aussi
Réseau No Border
Groupe d’Intervention et de soutien aux Immigrés
Faut-il ouvrir les frontières ? Catherine Withol, 1999
Migrations sans frontières. Essais sur la libre circulation des personnes, Antoine Pécoud et Paul Guchtenaire, 2009, Edition Unesco
Festival « En Marche : Les Reclusiennes 2015 » à Sainte-Foy-La-Grande
Conférence « ouvrir les frontières » Olivier Clochard (09/11/15 Paris)

1 Le droit « à toute personnes (…) de quitter tout pays, y compris le sien » est censé être garanti par l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Celui-ci était mis en pratique jusqu’à 1914. De plus, la convention de Genève de 1949 autorise les personnes à franchir les frontières quand ils cherchent protection.
Selon Hein de Haas, co-directeur de l’IMI « les états ont perdu leurs moyens d’agir efficacement sur les flux de migrants mais veulent continuer à faire croire qu’ils maîtrisent les migrations »
Notamment le Mobglob (Mobilité globale et gouvernance des Migrations), groupe de chercheurs-euses en sciences sociales et politiques provenant du CNRS et de l’EHESS
On a par exemple observé après l’ouverture des frontières en Europe en 1995 « une circulation intra régionale accrue et des migrations de moins longue durée » selon François Gemenne.

 

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L’éducation populaire, rempart contre le totalitarisme ?

Repères historiques[1] 

En 1792, Condorcet pose la première pierre de l’éducation populaire avec le concept d’éducation permanente (tout au long de la vie). A la fin du 19ème siècle, c’est la lutte contre l’obscurantisme, qui en prenant la religion catholique pour cible, permet d’installer la laïcité dans notre paysage idéologique de l’éducation. A la sortie de la seconde guerre mondiale, les résistants sous le gouvernement de Vichy mirent un point d’honneur à enrayer toute forme de fascisme et de collaboration à leur base : l’éducation.  « Comment apprendre à désobéir ? », voilà une question que l’éducation populaire se pose depuis. Pourtant, les 60 dernières années, les termes d’éducation populaire ont été récupérés et amalgamés plusieurs fois[2]. Aujourd’hui, le gouvernement ne parle plus d’éducation populaire que dans une toute petite partie du Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports : on est bien loin des moyens dont dispose l’éducation nationale ou des vocations de l’éducation permanente et politique.

Finalité

Nous donnerons ici la finalité de l’éducation populaire politique, pas celle d’une « éduc pop » vidée de sa substance à force de remaniements ministériels. Bien qu’il n’existe pas une seule définition de l’éducation populaire politique, on peut s’accorder pour dire qu’elle vise l’émancipation des personnes apprenantes et le développement d’un esprit critique. La finalité étant que chacun.e soit apte à participer à la vie d’une société et à la transformer [3].

L’éducation populaire répond aux « disfonctionnements de l’éducation conventionnelle [4] »

  • « reproduction de l’autorité et d’une certaine logique du pouvoir »

Pour éviter que les personnes « apprenantes » ne soient dépendantes de personnes « sachantes » et donc obligées envers elles (on peut penser à des élèves qui doivent se soumettre aux règles d’un.e professeur.e ou à des enfants se soumettant à l’autorité des parents), l’éducation populaire (E.P.) s’accompagne de différentes formes de pédagogie active et participative. Apprendre devient alors un processus volontaire et circulaire en contradiction avec l’idée d’un enseignement passif et unidirectionnel. Le fait de savoir quelque chose ne donne plus de droit sur l’autre, bien que des rapports apprenant.e.s-sachant.e.s éphémères puissent continuer d’exister. L’expert.e est descendu.e de son piédestal, le pouvoir d’agir des personnes apprenantes est restauré. De même, l’éducation cesse d’être une course au savoir, une course au pouvoir, plutôt que d’enseigner l’autorité elle devient source d’émancipation.

  • « reproduction du système dominant, aujourd’hui, le capitalisme mondialisé »

L’E.P. se veut un vecteur de transformation sociale. Or, sa réflexion sur la hiérarchie l’amène parfois à expérimenter l’autogestion qui, non seulement, va dans le sens d’une égale responsabilité entre apprenant.e.s et sachant.e.s mais permet les allers-retours constants entre théorie et pratique nécessaires à l’ancrage de l’éducation dans une société donnée. L’E.P., contrairement à l’éducation académique qui n’offre presque aucun recul sur la société qui la produit, cherche en premier lieu à développer un regard critique sur cette dernière. Par ailleurs, elle propose des outils permettant d’enrayer la reproduction du système dominant, en redonnant le choix de leurs objets d’étude aux personnes apprenantes, par exemple. Au lieu de se préparer à la société actuelle que connaissent si bien les personnes sachantes, les personnes apprenantes peuvent (se) préparer aux sociétés de demain. Finis les enseignements compartimentés en domaines étanches, ils ne sont bons qu’à nous mouler à des métiers spécialisés que nous pratiquerions sans compréhension des enjeux collatéraux. L’éducation doit former des citoyen.ne.s pas des professionnel.le.s. L’éducation ne doit pas être une étape vers la société économique mais un garant d’une société politique, c’est-à-dire une société où le pouvoir est pratiqué par le peuple et non par des algorithmes (avec lesquels il est difficile de dialoguer).

Re-politiser une société algorithmique, plus qu’une « chasse aux expert.e.s », signifie aussi faire le deuil de toute certitude. Ainsi, la transdisciplinarité et la subjectivité prennent toute leur place dans l’E.P. par le débat et la construction collective du savoir. Chacun.e apporte son expérience, ses connaissances pour qu’elles soient ensuite mises en cohérence par le collectif.

La certitude éjectée du fondement de l’éducation, finis donc les enseignements uniquement basés sur l’instruction. L’intelligence humaine n’est pas faite que de savoirs, elle est aussi composée de savoir-faire et de savoir-être, dont notamment l’esprit critique, la capacité à débattre et l’imagination font partie. L’imagination, indispensable pour penser le monde de demain et le croire possible, se cultive par le jeu, la rêverie et tous les temps informels que permet l’E.P. et que l’éducation conventionnelle condamne.

examen de l'arbre

  • « reproduction des oppressions (sexisme, racisme, âgisme, pillage des ressources terrestres et pollution…) »

Privilégier une éducation par le débat implique nécessairement des efforts afin de libérer la parole de tou.te.s. De même, prendre du recul vis-à-vis de la société implique de conscientiser les logiques et comportements oppressifs issus de cette même société et que nous avons intériorisés. Ainsi, l’E.P. par sa volonté même d’éduquer par la construction et l’émulation collective, permet de déconstruire progressivement des attitudes discriminatoires que l’éducation conventionnelle développe par la mise en compétition des personnes apprenantes. Imaginez – à la place de vos amphis où s’est installée une ségrégation linguistique – des groupes de discussion où chacun.e aurait le temps de parler et d’être écouté.e, imaginez à la place de vos cours de futur.e.s ingénieur.e.s pollueurs-euses que vous puissiez organiser un débat sur le rôle de la technique dans les sociétés de demain, sans avoir à en référer plus au corps enseignant qu’à n’importe lequel de vos camarades… Une éducation qui remettrait les rapports humains et l’éthique en son centre et laisserait de côté la recherche de résultats à tout prix et le productivisme.

Les acteurs et actrices de l’E.P. aujourd’hui

Les personnes et organisations impliquées dans l’E.P. ont des portes d’entrée diverses. Une classification grossière reviendrait à dire que les SCOPs d’éducation populaire cherchent surtout à développer l’esprit critique et proposent des outils de sensibilisation tels que la « conférence gesticulée », que les associations se revendiquant de l’E.P. et les écoles Freinet travaillent beaucoup sur la pédagogie active, les outils de débat et le jeu, que les syndicats étaient d’importants moteurs de transformations sociales et à l’éducation au rapport de force, que les lycées autogérés (comme le Lycée Autogéré de Paris, ou le Lycée expérimental de Saint-Nazaire) expérimentent l’autogestion et que les milieux libertaires et artistiques (tels que les squats mais pas seulement) permettent de mixer les âges, les nationalités, les parcours. Encore une fois, il n’existe pas une seule éducation populaire et chaque initiative ne regroupe pas tous les critères énoncés, mais toutes se reconnaissent dans la finalité et se complémentent.

Limite de l’E.P.

Les méthodes de l’éducation populaire sont tentantes : utilisation de jeux, d’outils de débat, diminution voire abolition de la hiérarchie, en apparences… Il est cependant tout à fait envisageable de reproduire ce cadre afin de servir des intérêts particuliers. En l’absence de professeur.e ou d’expert.e, les personnes « animatrices » ou « facilitatrices » peuvent certes s’effacer plus aisément en utilisant les méthodes d’E.P., mais elles peuvent aussi influencer un groupe de personne sans se montrer. Ceci ne serait rien d’autre que de la manipulation, contre-productive vis-à-vis de la finalité de l’E.P.

 

[1] L’éducation populaire s’est développée simultanément en différents lieux et par différents acteurs. Il ne s’agit là que d’une des versions de son histoire (qui occulte les mouvements religieux ou ouvriers) et elle est partielle.

[2] Pour plus d’informations : Conférence gesticulée, Inculture(s) 1 de Franck Lepage sur Youtube.

[3] Augusto Boal, metteur en scène brésilien et inventeur du théâtre de l’opprimé disait « Être citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer. »

[4] Par éducation conventionnelle, nous entendons principalement l’éducation nationale et parentale autoritaire classique.

 

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