INTEGRATION EXCLUANTE

Histoire fictive de Camille  

Ca y est, Camille est UTCéen.ne. Il/Elle a trimé pour y entrer et a mérité son ticket. Camille ne sait pas exactement ce qu’elle/il veut faire et a choisi de s’ouvrir un maximum de portes. Avec l’UTC, réputée pour ses UVs de « culture G » précieuses pour se forger un esprit critique, il/elle est sûr.e d’avoir fait le bon choix. Mais avant d’expérimenter le quotidien d’étudiant.e ingénieur.e, il y a l’intég…

Pendant l’intég, Camille va pouvoir rencontrer plein de gens différents venant de partout.

Origine sociale des étudiants en école d’ingénieur universitaire* Répartition en catégories socioprofessionnelle de l’ensemble de la population de 15ans ou plus**
Agriculteur, commerçant, chef d’entreprise 10,3 % 0,9%
Cadres, professions intellectuelle supérieure 48,2 % 8,7%
Profession intermédiaire 13,1% 13%
Employés 7,4% 16,5%
Ouvriers 6,8% 13,1%
Autre 14,2% 47,8%

*données 2012/2013, ministère de l’éducation nationale

**INSEE 2008

 

Pendant l‘intég, les « anciens » organiseront une bataille géante de mousse à raser, en forêt.

La mousse à raser est un produit chimique contenant de l’huile de palme, du triéthanolamine, de l’isopentane, des parabens et des PolyEthylene Glycol. Tous ces produits ont des conséquences directes ou indirectes sur l’environnement.

Pendant l’intég, Camille va gagner quelques euros en ouvrant un compte à la Société Générale, soit en bon UTCéen.ne l’équivalent d’une quinzaine de bières au bar étudiant.

La Société Générale est l’une des plus grandes banques européennes, avec des activités aux quatre coins du monde. Elle n’offre aucune transparence dans ses activités. On la retrouve impliquée dans de très nombreux projets controversés.

Elle a ainsi été impliquée dans le financement du barrage d’Ilisu en Turquie, qui menace de déplacer de force plus de 55 000 personnes en majorité kurdes.

Pendant l’intég,Camille saura qu’au Pic, les bières ne sont vraiment pas chères, et bonnes, mais du coup, après avoir pas mal picolé, il/elle se retrouvera à faire la danse du limousin (cette dernière consistant à se mettre nu) devant tout le monde. Hilarant. En même temps, il/elle ne pourra pas trop dire non, tous les « anciens » le/la regarderont et chanteront, accompagnés par les nouveaux.

Interdit par la loi depuis 1998, le bizutage est défini comme « Le fait pour une personne, d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations, ou de réunions liées aux milieux scolaires et socio-éducatif ». Cette loi vise à protéger la dignité humaine et l’intégrité physique ou morale des personnes.

Si notre Camille est un homme, il sera considéré, après cette danse, comme un « mec qui a un organe ». Si c’est une fille, elle sera surement une « salope ».

Les taquineries, moqueries et relations de pouvoirs hommes/femmes développées en école d’ingénieur sont ensuite reproduites dans le monde du travail.

Pendant l’intég, Camilleet ses potes prendront une navette pour aller en Estu. Dans la navette, tout le monde chantera pour encourager le chauffeur, et quand il ira trop lentement, on chantera « le chauffeur est un homosexuel, homosexuel… ». Et ça le fera marrer, le chauffeur.

Les blagues sexistes, homophobes ou transphobes fusent lors des soirées étudiantes. La contrepartie est que « Les taux de suicide sont quatre à sept fois supérieurs à ceux des hétérosexuels du même âge et toutes les études font le lien avec le rejet social. Donc c’est l’homophobie qui tue », Philippe Castel, porte-parole de l’Inter-LGBT.

La semaine suivante, Camilleaura le droit à quelques amphis de présentation de certains cours. Il/elle va retrouver ses potes, pourtant, d’autres étudiant.e.s seront tout.es seul.e.s dans l’amphi. Surement pour n’avoir pas participé à l’intég, surement qu’ils/elles ne sont pas à l’UTC pour rigoler. Peu importe, Camille a suffisamment fait de rencontres…

L’histoire de Camille est finie, il est temps d’en retirer quelques enseignements.

Si l’intégration se doit de faire l’apologie de la bonne humeur elle se doit aussi d’être émancipatrice (individuellement et collectivement) et en aucun cas excluante. Cela est possible, au prix d’une réflexion préalable. Or dans son état actuel elle n’ouvre que sur la banalisation du mal. Vous cherchiez le lien entre tous ces épisodes d’intégration, le lien entre la Société Générale, l’huile de palme, l’élitisme social et l’homophobie ? Le voici : à l’UTC, école d’ingénieur réputée pour ses sciences humaines, on apprend les humanités sans les pratiquer, on fabrique des petits monstres savants, bourrés de culture G pour être confortables en haut de l’échelle sociale. Et cela commence dès l’intég lorsqu’on accepte les comportements non éthiques comme base de construction de nos identités d’ingénieurs. Alors pour les prochaines années, faisons-nous une fleur, et participons à une intégration digne des humanités ou ne participons pas.

Histoire vraie de l’intégration

L’intégration à l’UTC, qu’est-ce que c’est ? Une étape obligatoire de la vie d’étudiant ? Une association ? Une vieille habitude qu’on s’empresse de transmettre aux nouveaux dès leur arrivée ?

Le but officiel de l’intégration est de rassembler, de créer des liens dans un groupe. En pratique, deux méthodes complémentaires sont utilisées aujourd’hui :

– Le plus petit dénominateur commun. Nous cherchons à créer le groupe avec les plus bas instincts et émotions disponibles. Les jeunes enfants c’est « pipi-caca », les étudiants c’est « cul-alcool ».

– L’exclusion. Les dénominateurs soit disant communs sont en fait extrêmement excluant pour de très nombreuses personnes. On construit ainsi un groupe de « non-exclu », fort et soudé. Ce groupe de personnes intégrées s’empare « naturellement » de la représentation type de l’étudiant qu’il faut être, créant une majorité visuelle qui n’est pas forcément la majorité numérique.

Les non mâles-hétéro-machos-français ont intérêt à ranger leurs émotions, idées, ressentis, dans un coin et de trouver ça drôle (au second degré bien sûr) sous peine de se retrouver exclus eux aussi. Comme l’intégration intervient à un moment psychologique clef (nous sommes jeunes, nous arrivons dans l’inconnu, dans une nouvelle étape de vie, la vie de « grand »), on glisse facilement d’un groupe d’individualités qui ne se connaissent pas à des individus qui s’autocensurent au profit d’un groupe archétypique.

L’intégration profite de notre désir de « faire parti pour exister » pour nous conformer à une conception de l’étudiant basée sur les plus vils penchants de nos identités.

L’intégration est donc en cela le parfait révélateur des mécanismes de domination, sous-jacents ou explicites, des groupes humains. Leader populiste charismatique, lynchage collectif immédiat sur un bouc émissaire désigné par une élite, unité clanique, utilisation des peurs instinctives pour manipuler un groupe… Une sorte de grande expérience de psychologie-sociale a ciel ouvert !

Le résultat de l’intégration (et l’intégration est une expérience répétable sur de nombreuses promotions) est que la majorité visuelle (et non numérique) d’un échantillon représentatif des fils de cadres, cherchera à « intégrer » à son tour la génération à venir pour laver et dépasser l’humiliation qu’elle a subie. Troublante observation de la marche du monde dans ce tube à essai UTCéen non ?

 

Tract version word:VF tract 45 intégration excluante

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4 réponses à INTEGRATION EXCLUANTE

  1. buclin dit :

    euh, cet article n’est pas signé, c’est normal?!…
    Facile de déverser sa bile quand on ne signe pas ses écrits; d’accord, c’est le résultat d’un collectif, mais il y a bien des gens derrière qui se sont associés pour poster cette critique amère, non? De toute évidence, ces personnes ne cautionnent pas le mode de fonctionnement de l’UTC. De mon côté, je ne peux en parler, je ne connais pas du tout. Mais j’espère tout au moins que ce ne sont pas des étudiants de cette institution? ou qu’ils le furent mais l’ont quitté pour témoigner de leur désaveu? Rassurez moi svp…

  2. Wellattic dit :

    J’ai pris l’habitude de lire vos articles. Il est vrai que je me retrouve dans quelques réflexions (pas tout le temps je dois l’admettre), mais pourtant je trouve cette analyse sur l’intégration un tantinet excessive, et assez caricaturale. Pour expliquer mon propos, je vais essayer de reprendre point par point les passages avec lesquels je ne suis pas d’accord, pour essayer d’apporter une autre dimension à la description qui est faite de l’intégration.
    Le premier point que j’ai trouvé inapproprié concerne celui sur la société générale. En plus d’être une grande banque française, la sogé est un partenaire essentiel pour le bde, qui contribue largement au monde associatif de l’utc. Même si ses activités peuvent prêter à controverse (ce que je trouve hors sujet ici mais bon …), je pense que c’est le cas d’à peu près l’ensemble des grands établissements bancaires, et que le seul moyen de lutter contre ça est de vivre sans lien avec n’importe quelle banque, ce qui est, je pense, quasiment impossible de nos jours (même pour l’auteur de ce post).
    Ensuite, je trouve la description d’une soirée au pic à la limite de l’invention. Autant, il est possible de se retrouver à faire un limousin pendant l’intégration, si on est un homme, et encore ça n’est absolument pas le plus fréquent, et il est possible de refuser sans se faire lyncher collectivement. De plus, je n’ai JAMAIS vu des étudiants demander à une fille de danser le limousin, et encore moins au pic, ou je n’ai pas encore vu de limousin, homme ou femme. Donc, même si c’est une pratique de l’integration, il est peut être un peu limite de décrire cela comme un supplice infligé à tout nouveau dès qu’il arrive au pic … C’est FAUX !
    Concernant les personnes qui ne participent pas à l’intégration … je ne suis encore pas vraiment d’accord. Bien que l’integ soit un vecteur d’intégration énorme (je reviendrais dessus après), la plupart des personnes que j’ai rencontré étaient soient dans ma résidence, soit en cours, et je trouve que de décrire les nouvös ne faisant pas l’integ comme totalement exclus par les autres est aussi un peu exagéré.

    Ces petits points éclaircis, quel est mon avis à propos de l’integ ? Tout d’abord, mon premier souvenir de l’utc est le responsable de la vie étudiante nous conseillant à l’amphi de présentation de participer à l’integration. C’est, selon moi, une opportunité de parler et apprendre à découvrir une multitude de personnes, sans aucun à priori à ce stade ou l’insertion dans un nouvel environnement est un peu difficile. L’integration aide à casser certaines barrières entre les étudiants, et favorise le contact entre eux. Excluante ?
    Pour finir, j’ai trouvé limite la description des utcéens comme « des petits monstres savants, bourrés de culture G pour être confortables en haut de l’échelle sociale » ou bien « des fils de cadres » qui « chercheront à « intégrer » à leur tour la génération à venir pour laver et dépasser l’humiliation qu’ils ont subie ». Comme si l’utc était manipulée de manière officieuse par des petits bourgeois cherchant à asseoir leur futur de petit ingénieur rangé.
    Piètre vision d’élèves d’une école qui se veut axée sur le développement des sciences humaines dans l’ingénierie et la technologie, et surtout piètre vision d’un moment important pour tout nouvö qui, déboussolé apprend grâce à l’integ à connaitre les personnes qui l’accompagneront pendant 5 années.

  3. Thery Victor dit :

    Bonjour les escargots,

    Avant d’écrire mon message je tiens d’abord à dire que je suis plutôt un défenseur de l’intégration ayant moi même participé et organisé certaines intégrations.

    Je ne critique pas tout l’article mais j’ai tout de même plusieurs commentaires a effectuer dessus :

    – Camille a t’il déjà essayé d’organiser une intégration ou juste de parler aux responsables de l’intégration pour exposer son point de vue aux responsables mais surtout pour essayer de proposer des idées des changements et d’amélioration de l’intégration.

    – Je ferai aussi une remarque par rapport à la bière et aux limousins, aux dernières nouvelles ils n’y a pas tant de bière que ça en relation directe avec l’intégration. Il y en a lors des soirées, mais qui ne sont pas organisée par l’intégration (sauf Wei et peut etre une autre soirée ) donc on en vient a critiquer les soirées étudiantes et leurs soirées. Je pense aussi que lors de l’intégration les personnes ne sont jamais obligé de réaliser le limousin (même si l’environnement sociale le facilite), il est souvent arrivé de stopper la chanson lorsque l’on sent que la personne n’est pas à l’aise.

    – Vous parlez d’intégration excluante, certes l’intégration ne permet pas d’intégrer tout le monde ( malheureusement), mais avez vous déjà vraiment réfléchis à une solution pour intégrer TOUT le monde ? La solution n’est a mon avis pas simple du tout. Le problème que j’ai avec cet article est que je lis de nombreuses critiques mais très peu de solution.

    Voila mes premiers commentaires sur l’article, je m’excuse pour les fautes qu’il peut y avoir et peut etre me direz vous que je ne suis pas très critique envers l’intégration, mais je pense que cela est du au fait que je ne sois qu’un mouton fils de cadre ayant suivi d’autres moutons fils de cadre.

    Bon courage dans vos prochains articles.

  4. Na dit :

    Un texte qui fait réfléchir, quelque soit le « groupe » auxquels on appartient. Tract reçu à la sortie des cours, réflexion sur le chemin du retour. Finalement, c’est révélateur d’un mal aise que j’ai pu ressentir durant cet integ’. Merci à vous. 🙂

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