L’histoire du premier mai remonte aux grèves de 1886 à Chicago. A cette époque et aux États-Unis les ouvriers luttaient pour la réduction du temps de travail. Alors qu’ils travaillaient neuf à quatorze heures par jour et six jours sur sept toute l’année, une grève générale est organisée à partir du premier mai 1886 et permettra à beaucoup d’obtenir des journées de huit heures.
A Chicago, à la fin du rassemblement du 3 mai, la police charge et tire sur la foule. Pour protester contre cette violence, un autre rassemblement est organisé le lendemain au Haymarket Square. Pendant la dernière prise de parole, alors que la plupart des manifestants sont déjà partis, la police charge à nouveau. Une bombe, dont le lanceur n’est toujours pas connu, explose parmi les policiers qui ouvrent alors de nouveau le feu sur les personnes présentes.
Suite à ce massacre, une véritable chasse aux anarchistes est organisée. Ils sont très présents dans la population immigrée d’origine européenne de Chicago et dans les milieux militants de l’époque. Ils sont arrêtés, battus et interrogés.
Au final, on décide de juger huit leaders anarchistes, dont seulement trois étaient présents le soir de l’explosion. Le procès visait explicitement à détruire le mouvement anarchiste, sans soucis de vraisemblance. Le procureur déclara au jury :
« Il n’y a qu’un pas de la république à l’anarchie. C’est la loi qui subit ici son procès en même temps que l’anarchisme. Ces huit hommes ont été choisis parce qu’ils sont des meneurs. Ils ne sont pas plus coupables que les milliers de personnes qui les suivent. Messieurs du jury : condamnez ces hommes, faites d’eux un exemple, faites les pendre et vous sauverez nos institutions et notre société. »
Sept furent condamnés à mort et le huitième à 15 ans de prison. Après un mouvement de protestation international, deux d’entre eux virent leur peine commuées en prison à vie. Un des condamnés à mort se suicida la veille de l’exécution et les quatre autres furent pendus en novembre 1887.
En 1893, l’innocence des huit condamnés a été reconnue, les trois emprisonnés ont donc été libérés. Cependant, la peine de mort ne peut pas être annulée en cas d’erreur… Historiquement, le 1er mai est un hommage à ces militants et à leur lutte.
Le fond de la réflexion anarchiste repose sur la constatation que l’exercice du pouvoir corrompt les êtres humains. Il ne sert donc à rien de chercher à prendre le pouvoir, pour mettre un « meilleur » chef à la place de l’ancien, car il sera lui aussi rongé par sa fonction.
L’important est donc d’abolir les hiérarchies en place et de construire une organisation de la société suffisamment horizontale pour éviter de concentrer le pouvoir sur quelques individus. Cette vision est profondément subversive : un simple changement de chef est en effet beaucoup moins dangereux pour la stabilité d’un système que la remise en question du principe même de chef.
Caricaturés comme des poseurs de bombes utopistes voulant vivre dans le chaos, les anarchistes sont aujourd’hui rarement pris au sérieux. Cette image masque les différents mouvements anarchistes qui ont existé et qui ont été méthodiquement détruits : le syndicalisme anarchiste (notamment aux États-Unis) ; les anarchistes d’Ukraine et de Kronstadt opposés aux bolchéviques après la révolution russe ; les opposants anarchistes à Franco pendant la guerre d’Espagne…
A chaque fois, les mouvements anarchistes sont brisés par des forces autoritaires, de « gauche » comme de « droite ». L’histoire étant écrite par les vainqueurs, on ne se souvient donc que des torts des anarchistes et on oublie leurs apports intellectuels et pratiques.
Sources :
http://law2.umkc.edu/faculty/projects/ftrials/haymarket/haymarkettestimony.html
Normand Baillargeon, « L’ordre moins le pouvoir », p98-102
Version téléchargeable en pdf: tract 19 1er mai et anarchisme