NO TAV – A quoi sert un TGV ?

A quoi sert un TGV ?

A priori, un train est un moyen de transport et permet donc de se déplacer d’un point à un autre. Depuis les années quatre-vingt-dix, une nouvelle ligne de train à grande vitesse est en projet entre Lyon et Turin. Ses promoteurs expliquent vouloir diminuer d’une heure le temps sur le trajet entre Paris et Turin, qui est actuellement de cinq heures trente. En réalité, leurs motivations sont toutes autres.

Les régions et les villes sont mises en compétition les unes avec les autres. Du point de vue des élus locaux, il faut donc attirer des investisseurs, des entreprises, des cadres… Pour cela, il faut être attractif, mener des projets d’envergure, travailler son image de marque. C’est par exemple pour cela que Nantes veut construire son aéroport international. C’est pour cela aussi que Rhône-Alpes veut construire sa nouvelle ligne de train à grande vitesse.

D’autre part, les entreprises de travaux publics, les fabricants d’infrastructures et de trains, sont eux aussi en compétition avec leurs concurrents internationaux. Pour survivre ils vont devoir rapidement trouver leur place sur des marchés en expansion, notamment en Asie. Des lignes comme Lyon-Turin, au-delà de l’intérêt économique à court terme, sont surtout des démonstrations de savoir-faire pour pouvoir vendre à l’étranger.

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La liaison ferroviaire déjà existante entre Lyon et Turin est largement sous utilisée, tant au niveau fret que voyageurs. Les hypothèses sur l’évolution du trafic transalpin, routier et ferroviaire, établie dans les années quatre-vingt-dix pour justifier le projet, se sont avérées totalement surestimées. Une ligne à grande vitesse est beaucoup plus qu’un moyen de transport, c’est un outil politique et économique et c’est à ce titre qu’il faut y réfléchir.

Pourquoi s’opposer à un train ?

Des collectifs NO TAV (Tren Alta Velocità = TGV) sont actifs depuis 1992 côté italien, ce sont les habitants du Val di Susa qui se sont mobilisés les premiers. Très déterminés, ils entreprennent de nombreuses manifestations (jusqu’à 80 000 personnes) et actions d’oppositions pour empêcher les travaux. Pour continuer de faire avancer les travaux par la force, jusqu’à 1000 policiers par jour sont envoyés pour effectuer des carottages. La contestation s’organise maintenant des deux côtés de la frontière.

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Les opposants au Lyon-Turin ne se basent pas sur un refus égoïste de voir passer dans leur jardin un train qui serait utile à l’intérêt général. Au contraire, ils remettent en question l’utilité même de cette nouvelle ligne et réfléchissent en profondeur à l’idée de bien commun : quelles vont être les conséquences de la construction et que pourrait-on faire d’autre avec le même budget ?

Le problème est simple : pour pouvoir aller vite, un train doit aller relativement droit. Dans les régions montagneuses, il faut donc creuser des tunnels et construire des viaducs pour faire passer une ligne à grande vitesse. Tout cela a des conséquences majeures en termes de coût, mais aussi du point de vue social et écologique.

Priorités budgétaires et sociales

L’objection est bassement comptable : construire des lignes à grandes vitesse, c’est dépenser de l’argent pour diminuer le temps de parcours entre des métropoles. Du point de vue global, on pourrait choisir plutôt de donner la priorité aux transports locaux dont les réseaux sont délaissés et mal en point faute de moyens.

Traverser les Alpes est particulièrement difficile, donc coûteux. La cour des comptes[1] a confirmé un budget total de plus de 26 milliard d’euros pour l’ouverture de la ligne grande vitesse Lyon-Turin. A titre de comparaison, le déficit de la sécurité social, qui est présenté comme abyssal, était de l’ordre de 13 milliard d’euro en 2012[2]. De la même manière il manque « seulement » 40 milliard d’euros[3] pour remettre le réseau ferré français en bon état de marche.

Tout est question de choix et de priorités : il faut trancher entre avoir un réseau de transport efficace, utile à la population, et mener des projets de prestige, qui sont des rêves d’élus. La construction de TGV diminue les temps de trajet entre un petit nombre de pôles, avec un prix de billet élevé. Il vaut mieux permettre à tous d’avoir accès aux transports, desservir les petites lignes et pourquoi pas gratuitement.

A titre d’exemple, le coût d’exploitation des TER est déjà financé en moyenne à 72% par la région[4]. Etant donné que près de 20% du budget sert à payer les contrôleurs et les guichets, un train gratuit pour l’usager ne couterait pas significativement plus cher à la collectivité. Ce serait un grand progrès contre les inégalités sociales, pour la mobilité de tous et vers une société paisible, où on ne criminalise pas les fraudeurs. Au contraire, la privatisation progressive de la SNCF tend à augmenter les prix, et à dégrader les services aux usagers jugés non rentables.

Dommages écologiques

Nous vivons une époque où l’urgence écologique nous est rappelée presque quotidiennement. Chacun ferme donc consciencieusement le robinet au moment de se brosser les dents, car « les petits gestes comptent ». En revanche, les gouvernements sont prêts à tout pour limiter l’érosion de la croissance économique, même ce qui nuit directement à l’environnement.

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Vouloir aller toujours plus loin, toujours plus vite, dépasser toutes les limites, est nocif pour notre environnement. Le train a toujours eu une bonne image du point de vue développement durable. Cependant, les trains à grande vitesse, sont beaucoup plus gourmands en énergie que les trains classiques. De plus, construire deux cent kilomètres de ligne à grande vitesse et creuser cent vingt kilomètres de tunnels en pleine montagne n’est pas anodin.

Ce type de travaux implique un transport routier intense pour environ vingt ans, à la fois pour déplacer le matériel et pour évacuer les quantités gigantesques de déblais produits. Sur le long terme, ces déblais devront être définitivement stockés sur place. Pour compliquer les choses, de l’uranium, du radon et de l’amiante sont présents dans les massifs à creuser.

Un autre risque concerne les écoulements d’eau dans les massifs. Le creusement de tunnels modifie le trajet de l’eau à travers la roche et conduit donc à l’assèchement de sources. Les chantiers produiront aussi de l’eau chaude chargée en souffre qu’il faudra stocker sur place, dans des piscines en plein air. Inévitablement, les cours d’eau et les nappes phréatiques seront pollués.

Qu’avons-nous à perdre avec ce chantier ? La Maurienne, le massif de Belledonne, ou le Val Susa…Car le massif alpin est fragile. Ensuite, ce chantier signifie qu’une fois de plus on préfère le prestige et le profit à l’utilité sociale.

Plus d’informations sur le Lyon-Turin : www.no-tav-savoie.org

En italien : www.notav.info


[2] « Sécurité sociale: un déficit moins élevé que prévu en 2012 », Le Figaro, 01/10/2012

[3] « Pour des trains à l’heure, il manque 40 milliards… », L’Usine Nouvelle, 13/01/2011

[4]Rapport de la CESE, «  L’ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux de voyageurs », juillet 2012 ; p35.

Version pdf : tract 20 NO TAV-A quoi sert un TGV? (Tract plié, première page à la fin et le reste est dans l’ordre)

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