La lutte des Contis sert à tous

L’usine Continental de Clairoix, à quelques kilomètres de Compiègne a fermé en 2009 et les 1200 salariés ont été licenciés. Pourtant en 2007 ils avaient accepté de passer de 35 à 40h sans augmentation de salaire. Contre cette concession, la direction avait promis de maintenir le site ouvert.
Une grande part des salariés (les « contis ») s’est engagée dans la lutte contre Continental pour obtenir des indemnités. Face à l’ampleur du mouvement l’entreprise a finalement cédé et versé les 50 000€ demandés à chaque licencié.

Par cette stratégie, Continental réalise cette année des bénéfices records : 10 milliards d’euros de profits soit 16% du chiffre d’affaire, dont 3 milliards de bénéfices nets cumulés depuis 2010 ! Continental avait tout de même eu l’audace de prétendre à un licenciement pour cause économique à Clairoix (en 2009), alors qu’en même temps l’entreprise ouvrait une usine en Roumanie, pour payer ses salariés à … 400 euros par mois. De leur côté, la moitié des Contis sont encore au chômage. Identifiés comme « contestataires » ils ont beaucoup de mal à retrouver un emploi. A partir d’un certain âge, bien qu’ils soient encore loin de la retraite, certains sont considérés par le « marché du travail » comme inemployable.

Lutte permanente
Attaque aux prud’hommes
Il est essentiel que des salariés comme les Contis aient le courage de se battre. Avec un taux de chômage de 10%, il est facile de menacer et de contraindre les travailleurs à garder le silence. La peur de perdre un emploi devenu précaire, oblige d’accepter toutes les injustices.

Aujourd’hui ce n’est pas parce qu’une entreprise se porte bien que ses salariés vont bien, Continental en est l’illustration. Face à ce constat, les Contis ont décidé de prouver que leur licenciement était abusif.
520 des ex-salariés ont décidé de porter l’affaire aux prud’hommes. Leurs dossiers comprennent notamment leur ancienneté dans l’entreprise, le préjudice causé par le licenciement et les produits toxiques qu’ils ont eu à subir, donc la diminution de leur espérance de vie. Rappelons que l’espérance de vie en bonne santé des ouvriers est de 59 ans. Lundi 26 novembre, le bureau de jugement des prud’hommes n’est pas parvenu à trancher. Les dossiers sont donc renvoyés au juge départiteur qui prendra une décision en février.

Outre l’enjeu personnel pour chacun des Contis, la portée du jugement qui sera rendu est symbolique : notre société accepte-elle des pratiques sociales destructrices pour maximiser les dividendes ?

Pression sur la cellule de reclassement
En parallèle la cellule de reclassement (composée de l’Etat, les dirigeants de Continental et Altedia), mise en place en septembre 2010 pour les contis et qui est restée inutile jusqu’à maintenant en regard à son budget (3 millions d’euros), se rassemble une nouvelle fois le lundi 3 décembre à la sous préfecture. Les Contis seront, une nouvelle fois, présents s’ils veulent que celle-ci joue son rôle.

Prud’hommes : un acquis social important…

Le tribunal des prud’hommes est une instance saisie en cas de litige entre employeur et employé. Les juges, appelés prud’hommes sont à part égales travailleurs et patrons. Ces juges sont élus tous les 5 ans. Ils font partis de syndicats : CGT, CFDT, Solidaires … pour les employés ; MEDEF, CGPME … pour les employeurs. Les prud’hommes permettent de faire jurisprudence et d’éviter la répétition d’injustices dans le cadre du travail. L’importance d’une condamnation aux prud’hommes est aussi symbolique, puisque donnée par la justice française.
Dans 99% des cas, les prud’hommes sont saisis sur la demande des salariés qui considèrent avoir subi une injustice. Cependant la procédure pour saisir les prud’hommes est longue, de quelques mois à quelques années et fournir les preuves de l’injustice est souvent difficile. Rares sont donc les cas qui y sont portés : les salariés qui les saisissent sont ceux qui sont sûrs d’obtenir gain de cause, ou n’ont pas de possibilité de négociation. Dans la plupart des cas un accord à l’amiable est passé pour éviter les prud’hommes, dont on peut voir les procédures avec les acteurs, la durée, la fréquence et les différentes possibilités en fonction des jugements et des parties :

tract71

Qu’on essaye de détruire…
En 2007, 63 conseils des prud’hommes ont été supprimés sur 271. En 2009 la loi sur la rupture conventionnelle d’un contrat de travail limite l’action aux prud’hommes… La tendance générale est de rendre les procédures de plus en plus longues et inaccessibles et en parallèle de pousser à la négociation. Les salariés perdent du poids dans la négociation s’ils ont moins de possibilités d’attaques en justice. Le patronat et les actionnaires gagnent en rapport de force…

… Et qui reste une structure juridique en faveur du patronat
Les employeurs ont autant de représentants que les salariés pour la prise des décisions aux prud’hommes. Derrière cet équilibre apparent, les employeurs sont numériquement très minoritaires par rapport aux salariés. Pourquoi donc leur point de vue compte-t-il pour moitié ? C’est un peu comme si dans un vote chaque voix était pondérée par le capital du votant. Historiquement, l’égalité du nombre de représentant est une grande avancée. Mais ce n’est pas suffisant, actuellement cette « égalité » reconnait le pouvoir de l’argent.
Un autre déséquilibre vient du fait que les employeurs sont beaucoup mieux organisés que les salariés, les premiers sont syndiqués à 90%, alors que les seconds le sont à 7%. Une raison est que cotiser à un syndicat patronal, au MEDEF par exemple, revient à payer une « assurance-licenciement ». En effet, non seulement les syndicats patronaux possèdent la moitié des voix au bureau de jugement, mais ils payent un partie des indemnités fixées par les prud’hommes. Ils sont donc d’autant plus juges et partis.

Vous retrouverez notre tract au format pdf ci dessous
tract 7 contis aux prud’hommes

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