En hommage à Rémi Fraisse
Rémi avait 21 ans. Rémi était étudiant, il était responsable de la préservation dans la zone de Sivens de la renoncule, une petite fleur jaune. Il protégeait la zone, il se battait avec d’autres contre la construction du barrage qui noierait la zone protégée pour un projet d’irrigation surdimensionné et inutile.
Encore des millions, et pour planter du maïs qui n’aurait rien à faire dans une région aussi sèche que le Tarn. Rémi se battait pour sa fleur et pour ses idées. Il est mort, ce dimanche, à une heure du matin, d’une grenade offensive dans le dos. Il y avait eu des affrontements avec la police, du bruit, il était venu voir ce qui se passait. C’était un pacifiste.
Rémi est mort, pas par héroïsme, pas parce que c’était utile, il est mort parce qu’un policier s’est affolé, ou parce qu’un policier violent, en avait marre, et avait une grenade, ou encore parce qu’avec 400 grenades envoyées dans la nuit, cette issue était probable. Rémi maintenant est mort, pour sa renoncule.
Et pourquoi meurt-on pour des fleurs aujourd’hui ? Peut-être parce que certains vivent pour des billets. Parce que certains n’ont plus en vue ce qu’il y a de plus précieux, de la terre, de l’eau, des gens.
Si la violence est née à Sivens, s’il y a eu de la peur, que des policiers ont frappé, que d’autres ont riposté, qu’ils ont frappé plus fort, qu’ils y ont tué, c’est parce que la tension est trop forte.
La tension entre les idées qu’on veut défendre, d’une démocratie de ce qui est bon pour le peuple et par le peuple, et la démocratie comme elle se fait appeler aujourd’hui, plutôt un souverain bordel, où ce qui est légal n’est plus légitime, ce qui est légitime n’est plus légal.
Alors oui il y a eu des tensions, et oui il y en aura, parce que l’on fait des barrages là où on n’en veut pas, on construit des aéroports quand on n’en a pas besoin, on détruit la montagne, on brûle la forêt. On détruit en écolo, on s’indigne en humain, on manifeste en militant, on s’installe en altermondialiste, on s’insurge en anarchiste. Quand on n’en peut plus, qu’on n’a rien à perdre d’autre que ses idées, on les vit comme on peut.
Chacun sa manière, on déconstruit ou construit à sa façon, le monde qu’on veut et celui qu’on ne veut plus.
Mais quand on est mort, il n’y a plus de petites cases, on ne peut plus dire il était ci il était ça. On s’en fout. Ce qui compte c’est qu’on ne soit pas mort pour rien, que le monde soit un peu mieux après nous.
Alors, par pitié qu’après Rémi on s’écoute, on se respecte. Qu’on ne puisse pas mourir parce qu’on défend une renoncule.
En attendant, dors bien Rémi. Rimbaud t’aurait sûrement dédicacé son poème.
Le Dormeur du val
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
(Arthur Rimbaud, Le Dormeur du val, octobre 1870)
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