Certaines violences, certains vols sont légitimes, d’autres non. On ne reproche pas aux voleurs de voler quand on les met en prison on leur reproche leur statut social, ou leur insolvabilité. Un SDF de Compiègne est passé deux fois en prison (une fois 3 semaines, une fois 3 mois), pour avoir volé des bières au supermarché.
Moi, étudiant ingénieur, j’irais voler des bières, même de manière répétée, je ne risquerais pas grand-chose. De un, parce que je pourrais rembourser mon vol si je suis pris, de deux parce qu’on ne met pas un futur ingénieur aussi facilement que cela en prison. 85% des détenus en France ont un diplôme équivalent ou inférieur au CAP[1]. On peut en déduire que : soit plus on va à l’école, et mieux on connait la « bonne morale », ou soit tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Une étude sociologique des violences serait intéressante à développer, mais on ne se concentrera pas là-dessus ici.
Particularités de l’individu
Lorsqu’on passe devant le barreau de la justice, qu’on a du mal à s’exprimer à l’oral, qu’on a des mimiques incontrôlées, qu’on ne montre pas certains ressentis attendus par le jury (à l’image de l’étranger d’Albert Camus), qu’on a une tête d’étranger, qu’on a un CV vide ou qu’on vient de la banlieue, on part avec un handicap très fort. Tous les individus n’ont pas les mêmes capacités de par leurs particularités et leur histoire, ils ne sont pas égaux face à la justice.
Justice de classe
Une expérience intéressante est d’aller au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris où sont condamnés les détournements de fonds très élevés et d’aller dans un autre tribunal jugeant les affaires plus « lambda » (les jugements sont tout public). Dans le premier cas, on voit rarement les acteurs finissant en prison.
Question de la violence :
La définition et la perception de la violence sont éminemment subjectives, bien qu’on tente toujours de l’universaliser. La perception de cette violence devient complexe (mélange de législation, de médiatisation, et « d’imaginaires populaires »).
Violence légitime, violence illégitime
Pour cette deuxième affaire, on ne parlait dans les médias pas tant de ce qu’avait fait le bijoutier que de ce qu’avait fait le braqueur. Dans ce cas, on accepterait presque le meurtre puisque, le bijoutier s’est défendu contre une violence considérée plus illégitime que la sienne. Tuer pour des bijoux de luxes devient légitime. On accepterait la violence institutionnelle (peine de mort, prison), ou individuelle (légitime défense) contre les mauvaises mœurs plus que contre les faits exacts.
J’ai eu la chance sur le marché l’autre jour de tomber sur trois agents de la police nationale discutant depuis plus d’une demi-heure avec une sdf qui avait « une tête d’étrangère ». Celle-ci avait mangé des saucisses sans les payer. Ils voulaient l’embarquer en garde à vue pour avoir volé pour une valeur de 4,40 euros. Quand j’ai payé ces 4,40 euros, elle a pu partir. On ne lui reprochait plus d’avoir volé. La discussion que j’ai eue avec les policiers m’a semblé bien plus violente qu’un vol d’aussi peu d’argent. L’idée n’est pas de généraliser cela à tous les policiers, ni de porter une quelconque conclusion sur la police mais simplement d’illustrer mes propos sur la violence légitime.
Cela commençait par
« …
« La voleuse » – je ne suis pas une sauvage. Je suis citoyenne française.
« un des policiers » – Vous n’agissez pas comme une citoyenne française
… »
La voleuse cherchait à rembourser son vol en proposant des bagues qu’elle avait, mais ça ne plaisait du tout à la marchande qui avait appelé la police.
Quand je suis rentré dans le cercle, un des policiers m’a dit que la voleuse avait de la chance d’être tombée sur cette marchande. Elle l’aurait volé lui personnellement, il l’aurait « démonté » et n’aurait pas appelé la police comme l’avait fait la marchande.
Puis j’ai eu droit à toutes les leçons de morales comme « voler 4 euros, c’est comme voler 15 000 euros », « tu ne voleras point, c’est écrit dans LE livre », « c’est pas une vraie pauvre, elle a un bonnet, une écharpe et des bagues. Une vraie pauvre irait à l’assistance sociale, une vraie pauvre ne vole pas et va manger au secours catholique »… Pour élément contextuelle la voleuse n’avait jamais élevé la voix ni ne s’était énervée, mais je me suis dit que rencontrer régulièrement des agents de la loi ayant un tel discours peut pousser beaucoup d’individus à la violence.
[1] Source : http://www.carceropolis.fr/#, onglet chiffres clef>formation/insertion, consulté en novembre 2013